Si un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, un simple coup d’oeil permettra de saisir la dimension considérable de la fulgurante Sparkle Moore dans le vaste petit monde du rockabilly. Plus qu’une tigresse: une allure jamais vue. Plus qu’une allure: un son à l’avenant.
Dans ce monde d’hommes qui ne serait rien, rien, rien, sans dame ni damoiselle, elle n’a pas été l’unique. La reine serait Wanda, la dauphine Brenda Lee, et la cousine, la trop négligée Jane Martin (dont il faudra bien causer un jour ici). C’est que, pas bête, à l’époque on s’était vite mis en quête d’une “female Elvis”! Mais Sparkle Moore, de son vrai nom Barbara Morgan, par la félinité sinueuse de sa voix méritait le titre.
“Skull and Crossbones” est une déclaration d’amour toxique, une ode trouble à la passion sulfureuse, une caresse ensorcelée de ritournelle rock’n’roll. Sparkle Moore, pleine d’assurance, s’entend à étirer les syllabes, puis maîtrise en virtuose l’art si délicat du hoquet (hiccup): le velours moiré et la syncope rutilante. Elle sussure et sursaute, halète, volte, se pâme et feule. La tête tourne, on suffoque. L’accompagnement est parfait – un rockabilly vif, souple et limpide. Ce titre aux relents troubles figurait en face B, diable!
Et dire qu’elle avait tout juste dix-sept ans. C’était en novembre 1956. Le temps d’une tournée en première partie de Gene Vincent, gageons qu’elle n’est pas passée inaperçue – crinière flamboyante de comète arrogante, surnom droit sorti de Dick Tracy, yeux de biche et accoutrements masculins, cuir, panthère, rayures. Venue de nulle part, et restée sans pareille, elle avait été signée en un instant avec l’aide d’un dj du Nebraska. Elle s’apprêtait à tout dévaster. Peu après le terrible “Killer” sorti en mai 1957, elle tombe enceinte, et pour se consacrer à sa famille, se retire de la lice.
“Skull And Crossbones”
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