(Vertigo 2008)
En 2006, Johnny Borrell décida que le public indie-rock qui l’appréciait n’était plus suffisant. N’avait-il pas quitté les Libertines à l’aube de leur carrière en raison de leur manque d’ambition ? Avec son deuxième album, il a alors planté les graines d’un succès grand public en chantant quelques bluettes pop-rock sans personnalité, consensuelles et sans génie (“houo ho ho hoo, there’s panic in America”). Que nous propose celui qui se prétend meilleur que Dylan dans ce troisième album ? La même chose, en pire.
Fort du succès de Razorlight, qui a permis au groupe d’éclore sur la scène internationale, Razorlight joue désormais dans la cour des groupes dont on entend les morceaux dans les supermarchés. Rien d’étonnant alors à ce que la plupart des titres de Slipway Fires s’adressent aux ménagères (le public statistiquement le plus présent en ces lieux de consommation de masse[1]).
Razorlight en 2008 est devenu un groupe tout juste bon à servir d’accompagnement aux envolées lyriques de Johnny Borrell, plus poseur que jamais (en témoigne la pochette où, chemise ouverte, il arbore un collier de perles). Si les mélodies tiennent la plupart du temps la route, l’emballage sonore a de quoi révulser : chœurs pesants sur “Wire To Wire” (ballade affectée digne de James Blunt), pop pompière augmentée de falsettos sur “You And The Rest”, piano idiot sur “Burberry Blue Eyes” et un nombre invraisemblable de ballades pleurnichardes où Borrell tente d’émouvoir dans les chaumières avec de grosses cordes (“Blood For Wild Blood”, “The House” et “Stinger”, qu’on pourrait renommer “Stinker”).
Au-delà de la musique indigeste, les textes finissent par couler l’album. Les titres des chansons font ici souvent rire, comme “Tabloid Lover” (avant même d’écouter la chanson on sait déjà quelles âneries Borrell va énumérer). Si le titre “Hostage Of Love” est déjà risible en soi, Johnny Borrell se surpasse dans les paroles où il se prend humblementpour le messie (“for telling my story, I’ve been crucified”). “Wire To Wire” le voit ouvrir avec un “What is love but the strangest of feelings” tellement sérieux et inepte qu’il fait pouffer de rire. Un peu plus loin il en rajoute une couche avec une allusion peu subtile vers Dylan (l’expression misérabiliste “she lives in disillusion road” qui fait écho à “Desolation Row” et révèle le fossé qu’il y a entre Borrell et Dylan). Le fond est touché avec “North London Trash”, chanson d’apparence Kinksienne censée dénoncer l’attitude des branleurs londoniens mais qui tombe dans ses propres clichés (“I was raised by the radio in a broken home” fait redite ratée de “Dead End Street”, “I’ve got a hot-bodied girlfriend / i’ve got a wallet full of cash” sonne comme un très mauvais “Dandy”, ce qui est ironique pour quelqu’un qui vient de Muswell Hill et a sympathisé avec Ray Davies ).
Slipway Fires fait d’ores et déjà partie des albums marquants de 2008. Formidable exemple d’un groupe en roue libre mené par un leader narcissique (à qui il ne faut pas néanmoins tout imputer, car Borrell commet ses forfaits avec la complicité du batteur balourd Andy Burrows), Razorlight viennent de sombrer avec leur indéfendable troisième album . On n’avait pas autant ri en écoutant un disque depuis longtemps.
Tracklisting :
1. Wire To Wire
2. Hostage Of Love
3. Tabloid Lover
4. Burberry Blue Eyes
5. North London Trash
6. Stinger
7. You And The Rest
8. Monster Boots
9. 60 Thompson
10. Blood For Wild Blood
11. The House
Pour écouter l’album :
– le MySpace du groupe : www.myspace.com/razorlight
– l’album sur Deezer : www.deezer.com/#music/album/254161
Vidéo :
Le clip de “Wire To Wire”
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p style=”text-align: justify;”>[1] Source Gang des Canards 2008. Enquête réalisée auprès de 3 personnes.