(Sony 2005)
Qu’attend-on d’Oasis en 2005? Pas grand chose à vrai dire. Après quelques albums dispensables et un Heathen Chemistry censé être l’album du retour en forme, écouté une ou deux fois avant de retourner au placard pour ne plus en bouger, la seule réjouissance à l’annonce de ce Don’t Believe The Truth était qu’on aurait droit à plusieurs répliques hilarantes de connerie de Liam Gallagher dans la presse musicale.
Depuis 1995 et ce What’s The Story (Morning Glory)? gorgé de tubes devenus classiques, reflet d’une époque et album d’une génération, Oasis nous livrait toujours la même chose : un album moyen, au titre pompeux et aux morceaux déjà entendus mais contenant au moins un moment de grâce. Pas de quoi s’emballer alors que pléthore de groupes beaucoup plus intéressants annoncent des albums pour ce mois de Juin 2005 (The Coral, Art Brut, Babyshambles, White Stripes entre autres).
Une fois de plus, les grandes gueules de Manchester annoncent leur “meilleur album” depuis Definitely Maybe (leur premier, objet d’un véritable culte en Angleterre)… Qu’en est-il vraiment? Est-ce que ces trois années passées à tout ré-enregistrer et à changer de producteur sans cesse ont réveillé le géant qui sommeille?
Incroyablement, on serait tenté de dire oui. Don’t Believe The Truth est l’album qu’Oasis aurait du faire dans la foulée de Morning Glory. Oasis, qui s’est perdu en route depuis 10 ans, est revenu à ce qu’il sait faire de mieux : des chansons pop dans la grande tradition britannique. Evidemment, il y a du Beatles dans ce disque, mais il y a du Kinks (“The Importance Of Being Idle”, habile redite de “Dead End Street”) et même du Velvet Underground (“Mucky Fingers” est un pastiche réussi de “Waiting For Man”). Le groupe, via Noel a élargi son champ d’action, pour un résultat gagnant.
Si beaucoup de morceaux sonnent très Oasis (“Turn Up The Sun”, “Love Like A Bomb”, “Keep The Dream Alive” ou “A Bell Will Ring”), aucun d’entre eux n’est écrit par le grand frère. Au contraire, limité à cinq contributions, le guitariste signe ses meilleures compositions depuis très longtemps et mieux, il chante comme on ne l’a jamais entendu. Alors que la voix de Liam devient de plus en plus braillarde et gutturale (et parfois difficile à supporter), Noel est enfin décomplexé devant le micro et justifie à 200% sa présence en tant que vocaliste par une interprétation inspirée – on pense à sa voix haut perchée dans la magnifique “The Importance Of Being Idle” qu’on imagine mal Liam aller chercher. Par ailleurs, il ajoute avec “Lyla” un nouveau numéro 1 des charts UK où Oasis penche plus côté Stones que Beatles.
L’équilibre est rétabli par Liam et son “Guess God Thinks I’m Able” qu’on croirait issu des sessions de l’album blanc des Fab Four. Le chanteur se fend même d’un excellent “The Meaning Of Soul” montant à trois le nombre de ses contributions au disque. Sera-t-il un jour l’auteur principal du groupe? L’écart entre les deux frangins se resserre… En tout cas c’est Noel qui a le dernier mot sur cet album. “Let There Be Love” est une chanson incroyable qui redonne foi en Oasis. Liam chante une mélodie lennonienne aux arrangements feutrés (piano-guitare acoustique) quand un mellotron entame un pont où Noel pose sa voix pour ce qui est le premier duo des frangins… et une de leurs meilleurs chansons. Ils y sont parvenus. Ils ont réussi à se hisser au niveau de “Wonderwall”. On en pleurerait. Le groupe génial de nos 16 ans est redevenu lui-même et réussit à nous replonger à l’époque bénie de la Britpop… On en oublierait presque que depuis 1997 Liam est passé du statut d’icône à celui de crétin ultime, ridicule de prétention.
Une chose est sûre, on va réécouter cet album, plusieurs fois même. Le changement est notable. Pour la première fois depuis longtemps, Oasis n’avance plus dans le brouillard.
2 Mucky Fingers
3 Lyla *
4 Love Like A Bomb
5 The Importance Of Being Idle *
6 The Meaning Of Soul
7 Guess God Thinks I’M Abel
8 Part Of The Queue
9 Keep The Dream Alive
10 A Bell Will Ring
11 Let There Be Love *
Vidéos :
“Lyla”
Vinyle :
Comme d’habitude, les frères Gallagher font bien les choses. A la magnifique pochette s’ajoute un poster de la tournée américaine à venir.