OASIS – Be Here Now

En roue libre

(Sony 1997)

Ça fait quinze ans qu’est sorti Be Here Now, et aujourd’hui plus que jamais, alors qu’Oasis est en stand-by et que les frères ennemis du rock anglais s’invectivent comme à leur plus belle heure et ne semblent pas prêts d’enterrer la hache de guerre, il est temps de réévaluer ce disque honni.

Car Be Here Now est le disque que les frères Gallagher avouent publiquement regretter d’avoir enregistré. C’est leur grand loupé, l’album non assumé dont aucun morceau ne figure sur le best of Stop The Clocks, un délire mégalomaniaque avoué que peu de gens ont vraiment écouté depuis sa sortie tapageuse en 1997.

A l’époque, l’effet repoussoir avait été violent chez les fans. Depuis 1993 et les multiples tubes de What’s The Story  ? (Morning Glory), Oasis régnaient sur la planète rock avec une virtuosité éclatante et une arrogance assumée. Leurs singles hymniques tournaient en boucle à la radio et à la télévision, ils étaient les Beatles de la génération britpop, les têtes d’affiche d’un rock britannique triomphant, le groupe dont on attendait le prochain morceau avec fébrilité et dont on écoutait les faces B avec attention. Leur discographie sans faille les avait fait entrer dans la cour des grands, et leur troisième album devait être l’album du couronnement, le classique pour les siècles à venir.

Ainsi, lorsqu’ apparut Be Here Now dans les rayonnages des disquaires en août 1997, rien ne laissait présager du retour de bâton qu’allait représenter ce disque que le public rejeta de façon épidermique. Be Here Now était un mastodonte, un disque opaque et surproduit, l’inverse même de ce qui avait plu aux masses sur la ballade mélancolique “Wonderwall”. Les gens voyaient en Oasis un groupe universel et espéraient une collection de ballades pop immédiates. Pas de bol, à l’époque les frangins Gallagher étaient plutôt d’humeur psychédélique. Entourés de yes men des maisons de disques aussi cocaïnés qu’eux qui leur répétaient sans cesse que tout ce qu’ils produisaient était d’or, Oasis ont concocté un mastodonte shoegaze. Chargés à bloc, le torse bombé et sûrs de leur fait, les frères Gallagher ont fait un album de défonce lancinant et vaporeux, envoyant par là même le monde entier se faire foutre, qui le leur a bien rendu.

Be Here Now est épique, arrogant, boursouflé, doté d’une production ambitieuse et de morceaux extraordinaires. Même si on commence à en connaître les codes, l’écriture de Noel Gallagher y est encore superbe, les mélodies sont toujours là (“All Around The World”, “Magic Pie”, “Stand By Me”). La voix de Liam est à son meilleur (ce qui ne sera plus le cas dès l’album suivant), loin du râle d’aujourd’hui. Bien sûr l’album a de nombreux défauts : il est beaucoup trop long (tous les morceaux durent au moins 5 minutes, certains dépassent même la barre des 9′), les morceaux sont monolithiques et avancent toujours à la même immuable vitesse de croisière. Mais c’est aussi pour cela qu’on l’aime : les frères Gallagher sont en roue libre, plus fiers et arrogants que jamais, et l’album est à la démesure de leurs personnalités. C’est un groupe triomphant qui joue ici et se permet absolument tout.

Le résultat ? Be Here Now est en réalité un bien meilleur album que son prédécesseur What’s The Story (Morning Glory) ? qui, sorti des trois singles taillés pour les stades, est tout de même très bancal. Be Here Now a le mérite d’être cohérent et de ne subir que peu de trous d’airs. Le problème en fait vis-à-vis de cet album relève des attentes du public concernant Oasis. En 1997, Oasis était un groupe dont les motivations étaient proches de celles de Spacemen 3, de Loop ou des Warlocks : “Take drugs to write music to take drugs to”. Un slogan qui colle parfaitement à ce grand album drogué qu’est Be Here Now, mais que les fans qui avaient pris le train Oasis par l’arrêt “Wonderwall” n’ont jamais saisi. Ces derniers ont d’ailleurs rapidement déserté le wagon pour s’acoquiner avec Robbie Williams dont le “Angels”, qui singeait à la perfection les ballades des frères Gallagher, fut le méga-tube de l’année 1997.

On vous recommande ainsi de mettre Be Here Now sur votre platine en oubliant son histoire. Imaginez-vous que le groupe qui joue sur ce disque est la dernière sensation shoegaze de Brooklyn ou un groupe anglais un peu oublié du début des années 90. Amusez-vous à effeuiller toutes les couches de larsen, wah-wah, cuivres et clavier du mur de son érigé par le groupe. Laissez-vous porter par les mélodies lancinantes et ces solos de guitare où les notes s’égrènent au ralenti. Hurlez à plein poumons les refrains hymniques scandés par Liam Gallagher. Participez au meilleur trip planant de la fin des années 90, vous pourriez bien être surpris. Be Here Now, un naufrage ? Que nenni, c’est le meilleur album d’Oasis, de loin.

 

 

Tracklisting :

  1. D’You Know What I Mean ? *
  2. My Big Mouth
  3. Magic Pie *
  4. Stand By Me *
  5. I Hope, I Think, I Know
  6. The Girl In The Dirty Shirt
  7. Fade In-Out
  8. Don’t Go Away *
  9. Be Here Now
  10. All Around The World *
  11. It’s Gettin’ Better (Man !!)
  12. All Around The World (Reprise)

 

Vidéos :

“D’You Know What I Mean”

“Stand By Me”

“All Around The World”

 

  1. Merci de réhabiliter cet album ! Malgré le fait que les morceaux sont un peu longs, aucun groupe d’aujourd’hui ne se permettrait un album aussi couillu ! C’est un vrai délire fourre-tout : riffs
    hard rock, gros solos de guitare, gros son de batterie avec des breaks à tous les coins, des violons, des choeurs, des cuivres, bref ça dégouline de partout et pourtant il est impossible de nier
    que les chansons deumeurent excellentes!

  2. le seul que j’ai jamais possédé, et donc forcément mon Oasis préféré également, ça donne fichtrement envie de se le remettre !

    1. Je pense que le budget hélicoptères reste négligeable par rapport au budget alcool / drogues
      (sinon c’est marrant de voir Noel avec une flying V)

  3. Premier album du groupe que j’ai pu écouter (les deux précédents n’étaient jamais dispo à la médiathèque), et c’est vrai que j’ai jamais compris ce que les gens y reprochait… Je l’ai compris
    sur le tard, mais je n’ai pas eu “d’attente déçue” à la dacouverte… Surement pour ça que je n’y ai jamais vu les défauts, et que ca reste un de mes préférés (avec le premier, quand même)

  4. Enfin ! Stand By Me a quand même du être un sacré succès à l’époque non ? Surtout que le “single” en général existait encore…

    Je vous trouve quand même super dur à chaque fois avec Morning Glory… Moi je le trouve vraiment très bon : bancal ? Franchement j’ai du mal à trouver une chanson où je m’emmerde (peut être la
    rigolote Bonehead’s Bank Holiday mais elle figure que sur le vinyle  ). Roll With It, Wonderwall, Don’t Look
    Back In Anger, Some Might Say, She’e Electric, Morning Glory… L’album est béton ! Pour le reste, si vous appelez “chansons de remplissages” des trucs comme Hello, Cast No Shadow ou Champagne
    Supernova, vous faites quand même les fines gueules !

    Bref, moi je le trouve bien Morning Glory 

  5. @Bokakola : Morning Glory est un bon disque mais moi j’ai de plus en plus de mal à écouter Wonderwall et Don’t Look Back In Anger, trop entendu jusqu’à l’écourement. Résultat je ne m’écoute
    jamais cet album malgré des titres comme Champagne Supernova.

    Sinon le must d’Oasis reste leurs singles, bourrés d’inédits et de reprises bien senties qui valent souvent mieux que les albums à mon avis.

    1. Oui, je rejoins Francky sur ces deux morceaux, et puis des titres tels que “Roll With It”, “Hello”, “Morning Glory” (j’ai du mal avec les morceaux “rapides” d’Oasis du début, parce que le groupe
      de l’époque n’avait aucun groove) ne me passionnent pas des masses.

  6. La face A de Morning Glory est une vraie purge à écouter je trouve : Hello/Roll With it/Wonderwall/Don’t Look Back in Anger/Hey Now… Quel ennui ! La face B est bien mieux.

    Par contre beaucoup des 3 “faces B” des EP extraits de cet album (Roll With It, Some Might Say, Don’t Look Back in Anger, Wonderwall) sont super recommandables.

  7. Ah merci messieurs! Je croyais être le seul au monde (ou du moins parmi mes amis) à aimer cet album.

     

    The girl with the dirty shirt est une véritable pépite (truculente. Les lecteurs de horsjeu apprécieront) pop. Et la morgue de D’you know what I mean me ravit encore!

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