(Parlophone 2008)
Après les Liars, Supergrass est le dernier groupe en date à s’être exilé à Berlin pour enregistrer un album. Après la foire glam-rock de Life On Other Planets de 2002, les frères Coombes sont allés chasser le fantôme de Bowie dans la ville où il a construit un de ses œuvres les plus persistantes (le tryptique Low / Heroes / Lodger). A défaut de l’avoir trouvé, ils sont revenus de la capitale allemande avec une inspiration retrouvée et un album intitulé Diamond Hoo Ha qui marque un retour au rock lourd qui a fait la renommée du groupe, un rock aux couleurs seventies, teinté de glam, sur lequel l’ombre du Thin White Duke se fait tout de même sentir.
Quid du folk de Road To Rouen ? Voir la section rythmique la plus furieuse de la planète rock s’écouter pleurnicher lors de l’album précédent avait quelque chose de frustrant. Une ambiance de fin de cycle planait sur Road To Rouen, qui dévoilait un groupe troublé, ayant du mal à accepter son passage à l’état adulte (le désarroi des frères Coombes lié à la perte de leur mère n’arrangeant pas les choses). L’ambiance terne et le ton désabusé de cet album nous a un moment laissé penser qu’il serait le dernier de la bande d’Oxford, leur dernier single étant même intitulé “Fin”.
La sortie même d’un nouvel album de Supergrass étant un concept qu’on avait du mal à imaginer il y a encore un an, les premières notes de l’intro de fuzz de “Diamond Hoo Ha Man” nous ont frappé au cœur dès la première écoute. Supergrass est vivant, Supergrass rocke ! Quel morceau ! Album réconciliation (à la fois entre les membres du groupe et entre le groupe et sa horde de fans dévoués), Diamond Hoo Ha a des airs de renaissance. On retrouve l’aisance irréelle du groupe pour façonner une powerpop racée et puissante. Sur “Bad Blood”, on retrouve le Supergrass punchy et mélodique des débuts, porté par une rythmique souveraine (Danny Goffey prouve tout au long de l’album qu’il est bel et bien l’unique héritier de Keith Moon). “345”, cousin proche de “Rush Hour Soul”, possède un de ces refrains énormes qui font exploser les audiences.
On retrouve sur Diamond Hoo Ha la face classic rock qu’on avait découverte avec In It For The Money, avec cette fois-ci un penchant pour un rock adulte, plus mature, moins fou-fou. Studio Hansa oblige, “Rebel In You” a des airs de “China Girl” (versant Bowie), des chœurs jusqu’à la mélodie, tandis que d’autres pièces telles que “Rough Knuckles” ou “Outside” parviennent à convaincre malgré un son mid-seventies très marqué. Cet aspect de l’album agit parfois comme un repoussoir : “When I Needed You” traîne encore plus en longueur qu’une ballade de Free, “Whiskey & Green Tea” (proche du single “Kiss Of Life” de 2005) irrite avec son saxophone et sa lourdeur générale et le morceau “The Return Of Inspiration” est étrangement dénué de cette inspiration qu’il revendique – plat et sans grande imagination.
Diamond Hoo Ha est album étrange. On y voit un groupe génial dès qu’il appuie sur l’accélérateur, mais qui s’embourbe dès qu’il veut mettre en avant ses mélodies pop (qui sont pourtant splendides, comme d’habitude). Entre déception et retour en forme, une paire de morceaux fait pencher la balance du bon côté : “Butterfly”, magnifique morceau de fin d’album, intense et aérien, et “Ghost Of Friend”, morceau acoustique chanté par Goffey (qui dévoile un timbre à mi-chemin entre Bob Dylan et Richard Ashcroft), blindé de clins d’œil qui font sourire (“there’s always a circus in town” qui renvoie à “Desolation Row”, solo de guitare pastichant Brian May).
Supergrass ne sont pas morts, le monde ne s’en porte que mieux. Diamond Hoo Ha s’égare parfois mais, porté par ses singles tonitruants, il restera comme le retour au premier plan d’un des groupes les plus doués de sa génération, “everybody’s second favourite group” comme le dit la légende…
Tracklisting :
1. Diamond Hoo Ha Man *
2. Bad Blood *
3. Rebel in you
4. When I needed you
5. 345 *
6. The return of inspiration
7. Rough knuckles
8. Ghost of a friend *
9. Whiskey and green tea
10. Outside
11. Butterfly *
Vidéos :
“Diamond Hoo Ha Man”