(sortie USA – juillet 1970 ; Fantasy)
Ce disque est le cinquième album sorti par Creedence Clearwater Revival, un groupe américain à la durée de vie relativement courte* (1968–1972), mais incroyablement prolifique (le groupe emmené par les frères Fogerty a enregistré sept albums studio en moins de cinq ans). Après avoir formé un premier groupe nommé The Blue Velvets, puis sorti une bonne demi-douzaine de singles sous le nom de The Golliwogs (dont le morceau « Fight Fire », disponible sur le troisième disque de la compilation Nuggets), le groupe opta pour le nom (improbable) de Creedence Clearwater Revival, et rencontra un succès foudroyant. De tous leurs albums, Cosmo’s Factory fut le plus populaire (numéro 1 des charts aux Etats-Unis et en Angleterre).
Le style du groupe, qui consiste en un mélange de Country, de Blues et de Rock’n’Roll, repose en grande partie sur les interactions entre les guitares (jouées par les deux frères Fogerty) : la guitare rythmique de Tom, qui aligne des séries d’accords cinglants, est un modèle de précision et d’énergie. La guitare solo, jouée par John (qui écrit la plupart des morceaux, et produit l’album), peut s’échapper dans des envolées efficaces et réjouissantes. A l’image de la basse (tenue par Stu Cook) qui, sans être un modèle de virtuosité ou d’imagination, procure à chaque chanson un relief spécifique, la batterie (de Doug Clifford) est solide et irréprochable. « Ramble Tamble », qui ouvre l’album, commence sur un riff de guitare énergique, suivi avec enthousiasme par le reste du groupe. Après quelques couplets chantés avec conviction par John Fogerty, la chanson laisse place à un passage instrumental de plusieurs minutes, avant de revenir aux bases du morceau.
Cosmo’s Factory est un disque riche en chansons efficaces (et caractéristiques de Creedence) : entraînantes, inspirées, implacables. John Fogerty écrit pour cet album des morceaux qui restent parmi les plus célèbres du groupe : « Ramble Tamble », « Travelin’ Band » (un morceau largement influencé par Little Richard), « Up around the bend », et bien sûr « Lookin’ out my back door », une chanson aussi simple qu’efficace (utilisée dans une scène mythique du film des frères Cohen The Big Lebowski). La face A s’achève sur « Run through the jungle », qui est peut-être la chanson où les spécificités vocales de John Fogerty s’expriment le mieux, lorsque sa voix rauque et basse, enveloppée d’un rythme entêtant, commence à chanter : « Whoa, thought it was a nightmare,/ Lo, it’s all so true, / They told me, don’t go walkin’ slow/ ’cause devil’s on the loose / Better run through the jungle (…) ». Le solo d’harmonica qu’il exécute sur cette chanson est également très inspiré, et ajoute encore un peu d’ampleur à l’aspect oppressant de la situation. Les autres morceaux composés par Fogerty pour l’album sont « Who’ll stop the rain », une élégante ballade où il s’accompagne à la guitare acoustique, et où les chœurs qui l’entourent rappellent ceux de Crosby, Stills, Nash & Young. Le dernier morceau du disque, « Long As I Can See The Light », d’un style musical assez proche, débute plutôt bien mais qui est malheureusement alourdi par un solo de saxophone qui ne semble pas réellement indispensable.
Les autres chansons de l’album sont des reprises : un classique du Blues « My baby left me » (de Crudup), joué ici de façon plus rapide (avec une surprenante mais agréable intro de basse), un morceau de Bo Diddley « Before you accuse me », dont la reprise, même si elle est assez réussie, n’apporte en fin de compte pas grand-chose à la version originale. Un des premiers succès du Rock’n’Roll, le morceau « Ooby Dooby » (chanté en 1956 par Roy Orbison) s’intègre parfaitement au reste du disque. La reprise de N. Whitfield et B. Strong (« I Heard It Through The Grapevine » ) était en revanche plus osée (deux ans plus tôt la version chantée par Marvin Gaye avait atteint le sommet du classement des singles aux USA). L’interprétation que livre le groupe est magistrale : la batterie claque de façon ferme et précise, la basse tient le navire à flot, les solos de guitare sont irréprochables, les chœurs soutiennent la voix de Fogerty au début du morceau.
Grand succès populaire, Cosmo’s Factory est probablement le disque à conseiller à quelqu’un souhaitant découvrir Creedence Clearwater Revival, puisqu’il présente ce groupe à son meilleur niveau et dans toute sa diversité (aussi bien dans les multiples influences du groupe que dans la variété de styles que Fogerty pouvait assimiler dans la composition des morceaux).
* Les membres du groupe on en réalité collaboré pendant une douzaine d’années : John Fogerty, Tom Fogerty, Stu Cook et Doug Clifford étaient tous membres des Blue Velvets, mais la durée « effective » de Creedence Clearwater Revival en tant que groupe se situe entre la sortie du premier single « Suzie Q. » (septembre 1968) et celle du dernier album studio, « Mardi gras » (avril 1972).
Tracklisting :
Face A :
Ramble Tamble *
Before You Accuse Me (McDaniels)
Travelin’ Band
Ooby Dooby (Moore / Penner)
Lookin’ Out My Back Door *
Run Through The Jungle
Face B :
Up Around The Bend *
My Baby Left Me (Crudup)
Who’ll Stop The Rain *
I Heard It Through The Grapevine (Whitfield / Strong) *
Long As I Can See The Light
Vidéos :
“Up Around The Band”
Vinyle :