(Drag City 2012)
Après des années à sortir des albums fantastiques et à sillonner les routes, Ty Segall a enfin rencontré la reconnaissance du public et des médias. C’est amplement mérité si vous voulez notre avis (et de toute façon même si vous n’en voulez pas on le donne quand même), on pourrait même dire : “il était temps”.
Il aura donc fallu que Ty Segall sorte trois albums dans la même année afin que les médias traditionnels s’aperçoivent qu’il se passait un truc du côté de San Francisco, où quelques types envoient le meilleur rock’n’roll de la planète depuis quelques années. Pourquoi seulement maintenant ? Parce que les leaders du mouvement sont au sommet de leur art, que ce soit côté albums ou sur scène. Thee Oh Sees ont frappé fort avec Carrion Crawler / The Dream fin 2011 et les spectacles hypnotiques qui ont suivi sa sortie ont achevé de placer le groupe parmi les meilleurs dans sa catégorie. Ty Segall, en s’entourant de son Band au tournant de l’année 2012, a trouvé un groupe de scène capable de mettre en valeur ses morceaux heavy fulgurants.
En France comme dans le monde entier, c’est ce Twins qui a permis à Segall de percer. Porté par un premier single fabuleux, entre rock heavy et grunge (“The Hill”) et des prestations démentes à la télévision (on a rarement vu groupe faire autant de bruit chez Letterman), le blondinet est devenu le fer de lance de l’underground américain, un artiste à la dimension digne de celle des Black Lips, qui remplit les salles et propose un exutoire rock’n’roll à tous les kids du monde. Pourtant, ceux qui suivent l’artiste depuis des années et qui se réjouissent de son succès, sont un peu chagrinés : si ce Twins porteur de réussite est un excellent album, il est n’est pas le meilleur de son auteur, ni même le meilleur sorti en 2012 par celui-ci (nombreux sont ceux à lui trouver Hair ou Slaughterhouse supérieurs).
Que peut-on reprocher à Twins alors ? Le recours à certaines vieilles recettes, déjà entendues avant (“Would You Be My Love” rappelle “Lovely One” de Lemons, par exemple). L’installation de Segall dans une certaine zone de confort (on est rarement surpris par ce qui se passe durant l’album). Le manque de morceaux frappants. En gros, en dehors des voix éthérées qui ouvrent “The Hill” on est jamais dérouté ou pris par surprise sur Twins. Cela ne l’empêche pas pourtant d’être un album de haute volée, empli de moments de bravoure, tel ce “You’re The Doctor” fantastique qui possède le meilleur refrain de l’année (“there’s a problem in my braaaaaaaaaaaaain”), mais la plupart du temps, Twins ne propose que des titres lourds et lancinants bien foutus, mais moins ébourrifants que le délire heavy space de Slaughterhouse (qui se pose en exemple en termes de prise de risques). Cela dit, les morceaux de Twins prennent une dimension incroyable lorsque le Ty Segall Band les interprète sur scène.
Notons qu’un concept est encore au cœur du disque, celui de la gémellité et de la double personnalité. Cela se traduit par un album où les deux faces possèdent une couleur différente. La face A propose la version la plus teigneuse et heavy de Ty Segall. On y trouve tous les morceaux les plus catchy de l’album, de la superbe ouverture “Thank God For Sinners” à “The Hill” et l’intrigante “Inside Your Heart”, en passant par la nerveuse “You’re The Doctor”. La face B est étonnamment plus calme. En dehors du premier morceau “They Told Me Too”, le tempo s’y ralentit considérablement. “Love Fuzz”, “Handglams” et “There’s No Tomorrow” sont susurrées lentement par Segall devant un mur de fuzz et donnent un faux rythme à la deuxième partie du disque. “Gold On The Shore” voit Segall tenter une approche acoustique (qui n’a rien de Neil Young, malgré le clin d’œil que fait Segall au canadien sur la pochette du disque). Seule l’étonnante “Who Are You”, à la guitare virevoltante, propose quelque chose d’inattendu et de dynamique à la fin de l’album.
Tracklisting :
Face A
1 – Thank God For Sinners *
2 – You’re The Doctor *
3 – Inside Your Heart
4 – The Hill *
5 – Would You Be My Love
6 – Ghost
Face B
1 – They Told Me Too
2 – Love Fuzz
3 – Handglams
4 – Who Are You *
5 – Gold On The Shore
6 – There Is No Tomorrow *
Vidéos :
“The Hill”
Vinyle :