(XL 2007)
Après une orgie d’albums folk acoustiques en 2004 et un successeur opulent mais inégal, Devendra Banhart se trouve dans une situation complexe : son nouveau disque ne peut que décevoir. Les fans de la première heure regrettent le folk déglingué à la Marc Bolan mais espèrent du changement. Doit-il continuer dans la veine festive de “I Feel Just Like A Child” (qui lui a ouvert un nouveau public) ? Doit-il continuer seul à la guitare ou en groupe ?
Plus les albums vont, plus l’aura mystique qui entourait Banhart s’évapore. Moins perché qu’on l’imaginait, le troubadour barbu n’arrive plus à nous surprendre. Smokey Rolls Down Thunder Canyon démontre pourtant une volonté de se renouveler manifeste : enregistré quasi-intégralement avec son groupe de scène (qui change de nom à chaque concert), on y voit Banhart aborder des genres musicaux plus variés, parfois plus bruyants, plus lourds, mais aussi du blues, de la pop décomplexée, limite funky, et toujours du folk.
On trouve sur cet album un nombre élevé de ballades, avec une ambiance reposée, limite tristoune. Cette prépondérance des morceaux lents, parfois accompagnés d’un simple piano un peu pesant (“I Remember”) ou d’un groupe parfois maladroit (“Saved”) finit par éroder l’intérêt de l’album, complètement dénué de rythme. Les morceaux au ralenti se succèdent, gavés de violons, sans jamais émouvoir au point qu’on soit transporté (“Rosa”, “Freely”,”Seaside”). Les mélodies ne sont pas toujours mémorables, on finit par ne plus éprouver grand-chose.
A quelques occasions, les racines psyché de San Francisco rattrapent Denvendra Banhart et sa musique. Sur la sublime “Seahorse” qui se transforme à mi-course en mélopée psychédélique jazzy (avec hammond, basse dodelinante, solo de flûte traversière) puis en véritable pastiche des Doors dans laquelle Banhart produit sa meilleur imitation de Jim Morrison, son groupe démontre un savoir-faire local digne des groupes d’Haight Ashbury. Malheureusement, Devendra Banhart n’a pas l’air disposé à se lancer un corps perdu dans une explosion blues. Trop sérieux, trop contraignant. Hippie dans l’âme, il préfère s’asseoir en tailleur sur son tapis et jouer des bluettes optimistes dans une ambiance patchouli. On a ainsi droit à une redite de la bossa-nova de l’album précédent avec “Samba Vexillographica”, et toute une flopée de morceaux rigolos mais dispensables comme ce “Shabop Shalom” à la mélodie proche de “La Mer” de Trénet.
On aussi parfois l’impression que Banhart essaie à tout prix de tenter de nouvelles choses, comme ce blues qu’on croirait sorti de Hair avec ses cœurs féminins (“Saved”), un truc latino digne du Santana d’Abraxas (“Carmensita” – cette comparaison n’est pas un compliment) ou ce funk idiot (“Lover”) qui sonne un peu trop comme une tentative de refaire un morceau dansant comme “I Feel Just Like A Child”. Rien d’emballant.
Plutôt que ces pitreries sans fond, on préfère le voir jouer ses morceaux acoustiques sans artifices. Dépouillées à l’extrême, ses ballades désabusées comme “Bad Girl” avec sa slide plaintive. “Cristobal” la magnifique et “So Long Old Bean” réussissent à mettent la larme à l’œil. C’est maigre pour un album doté de 16 pistes. Devendra Banhart n’est plus aussi intrigant, ni imprévisible. Premier accroc à sa discographie.
Tracklisting :
- Cristobal *
- So Long Old Bean
- Samba Vexillographica
- Sea Horse *
- Bad Girl *
- Sea Side
- Shabop Shalom
- Tonada Yanomaminista *
- Rosa
- Saved
- Lover
- Carmensita
- The Other Woman
- Freely
- I Remember
- My Dearest Friend
Vidéo
“Seahorse”