Décembre 2005, une rumeur court sur Londres et les forums des Libertines : Carl Barât organiserait un concert secret la veille du réveillon du nouvel an pour terminer l’année avec style et dévoiler ses Dirty Pretty Things à Londres. Les choses deviennent concrètes lorsque le site du Camden Koko annonce une soirée organisée par l’ex-Libertine le soir du 30. L’affiche est intéressante (The Paddingtons en groupe principal) et l’intitulé de la soirée (Bright Young Things) laisse à penser que notre héros fera une apparition surprise.
La salle du Camden Koko (ex-Camden Palace) est magnifique – on comprend pourquoi Madonna a voulu y faire son retour londonien récemment – avec ses loges latérales et ses multiples balcons qui lui donnent une allure de théâtre ou d’opéra. Le public est plutôt jeune et semble avoir été recruté sur casting. Un concours de mode doit être organisé ce soir car les dégaines les plus improbables et les poses les plus marquées semblent être de rigueur.
Le premier groupe fait son entrée sur scène devant une salle clairsemée. Tous vêtus de vestes semblables à celles des Libertines des débuts, mais vertes – ils semblent préférer le style des gardes à cheval à celui des gardes de Buckingham Palace –, et menés par un chanteur joufflu, The Dirge effectue un set particulier. On n’a pas vraiment compris quel genre de musique nous a joué le groupe ce soir. C’était plutôt lent, voire même mou, mais les chansons possédaient toutes une structure particulière qui les rendait insaisissables. On se promet de retourner voir ce groupe qui a dérouté nos sens – à moins que ne ce soit l’alcool – au point qu’on ne sait s’ils ont été brillants ou très mauvais.
Ce qui est sur en tous cas, c’est que The Crimea fait l’unanimité en ce qui concerne leur médiocrité. Les 45 interminables minutes que dure leur set soft-rock taillé pour les FM sont l’occasion idéale pour faire plusieurs allers-retours au bar et se chauffer gentiment pour la suite. Et la suite sera chaude… enfin bon, c’est ce que visiblement veulent nous faire croire les organisateurs (putain arrête Carlos!) en envoyant en préambule un duo de strip-teaseuses.
On s’interroge sur la nécessité d’un tel interlude – surtout quand la salle est remplie de teenagers – aussi inutile que faussement transgressif… A peine le déballage de viande terminé, la seule des deux dames a avoir gardé ses vêtements annonce à la façon d’un monsieur loyal “Hull’s finest… The Paddingtons!”. Les choses sérieuses commencent.
Les Paddingtons sont un des groupes punk les plus charismatiques de la nouvelle scène anglaise et se sont essentiellement fait connaître grâce au parrainage de Pete Doherty qui a ouvert à tant d’autres jeunes groupes post-Libertines la porte des grands labels britanniques. De toute cette scène – Selfish Cunt, Others, Unstrung, Neil’s Children – les Paddingtons sont un des plus doués et des plus proches des Libertines au niveau du son et de l’énergie.
Leur set sera intense, compact. Le chanteur Tom Atkin a beaucoup plus de charisme que ce que les photos de presse ne semblaient présager – il a en fait même tendance à prendre des poses de branleur un peu trop travaillées, sans doute le fait d’avoir défilé pour Hedi Slimane, tiens… – et le groupe est une furieuse machine rock’n’roll lancée à pleine vitesse. Un conseil, buvez trop avant de les voir et sautez dans la fosse.
Les Paddingtons possèdent des hymnes punk imparables. “Same Old Girl”, “Fifty To A Pound”, et surtout “Panic Attack” sont les moments forts de la soirée. Pour le rappel, un guitariste surnuméraire non identifié (unmembre des Cribs?) supplée le groupe tandis qu’une blonde péroxydée vient pousser des cris au micro, le tout dans une ambiance de krosse rikolade.
Après ce concert jouissif surgit l’inévitable déception : en voyant les techniciens démonter les amplis on comprend que les Dirty Pretty Things ne nous ferons pas l’honneur de leur dernier concert de 2005 ce soir. Peu importe, la soirée continue avec un mix de DJ Carl Barât essentiellement axé sur toutes les choses punk, de Blondie aux Strokes en passant par d’autres villes que New York. “Don’t Look Back Into The Sun” reçoit le meilleur sing-along de la soirée par une foule décomplexée par l’alcool et qui se dandine sur une piste couverte de bière à cause de mouvements de bras un peu trop enthousiastes.
La soirée terminée, en prenant l’interminable bus de nuit on se rend compte qu’on vient de passer notre soirée la plus rock’n’roll depuis longtemps. Merci Carl.