GOOD MORNING ENGLAND

Anecdotique

Film de Richard Curtis (The Boat That Rocked, 2009)

Good Morning England appartient à la catégorie de ce qu’il est convenu d’appeler les feel-good movies, autrement dit des films oubliables censés « faire passer un bon moment ». Pour une grande majorité de nos congénères, le cinéma se résume à cela, et ce ne sont que les coupeurs de cheveux en quatre, les professionnels de la critique et autres obsédés de l’analyse qui lui prêtent d’autres desseins, et pas seulement galbés. La question de la valeur cinématographique, de la finesse de la mise en scène, de la qualité du scénario, de la justesse des situations et des dialogues ne se pose tout simplement pas. Un film ne se dissèque pas, ne se commente pas, ne se digère pas: il se regarde, point. Au même titre, peu importe qu’un livre soit bien ou mal écrit du moment qu’il se « lit bien »: le pauvre Oscar Wilde doit se retourner dans sa tombe. Nous sommes dans l’ère du zapping et du jetable culturel, et le public ne veut surtout pas qu’on le bouscule, qu’on le provoque voire, suprême offense, qu’on le fasse réfléchir (le vilain mot est lâché). Il a payé son billet, son paquet de pop-corn pour les mioches et sa canette de soda à l’aspartame et exige de quitter la salle avec le sourire, de retourner à son existence content et surtout inchangé. Le réalisateur et les producteurs de Good Morning England l’ont bien compris et ont suivi une ligne cyniquement simple: répondre aux attentes du grand public, quitte à écœurer aussi bien les cinéphiles que les fans de rock anglais des années soixante.

Il y avait pourtant matière à faire beaucoup mieux sur le soi-disant thème central du film, à savoir le rôle essentiel que jouèrent les radios pirates (d’où la référence éhontée à Good Morning Vietnam, autrement plus subversif) dans le déferlement de la vague rock dans l’Angleterre des sixties, véritable phénomène socio-culturel dans un pays sclérosé par le conservatisme et le poids de la rigueur morale oui mes phrases sont trop longues. Considérée comme obscène et dangereuse pour la jeunesse par toutes les institutions exerçant une quelconque forme d’autorité et de pouvoir, la musique rock se vit purement et simplement bannie des ondes, et seules quelques irréductibles têtes brûlées prirent le risque d’entrer dans l’illégalité pour émettre depuis la mer. Grâce à ces hors-la-loi d’un genre nouveau, nombre d’adolescents purent découvrir les chansons des Stones ou des Who, un transistor planqué sous l’oreiller, plaisir secret que la transgression rendait plus savoureux encore. Un cinéaste un brin plus talentueux et ambitieux aurait trouvé dans ce sujet en or une source intarissable d’inspiration. Richard Curtis, lui, a réussi le tour de force de signer un film dénué de la moindre bonne idée et de tout intérêt. Chapeau bas.

Mettez sur un bateau non pas Pif et Paf, mais une poignée de types complètement fondus de musique et réunis par le désir de partager leur passion à tout prix. De quoi pourraient-ils bien causer? De musique, me direz-vous, dans un moment de lucidité plutôt inhabituel chez vous et qui vous honore (si, si, vous m’épatez, je tiens à le dire, et pourtant il en faut beaucoup, croyez-moi, même les meilleurs sketches d’Anne Roumanoff ne m’impressionnent pas). Et bien non: pas l’esquisse du moindre débat, pas de conversations poussées, pas l’ombre d’un échange un tant soit peu passionné. Naïvement, on pouvait s’attendre à une sorte de High Fidelity version maritime, truffée de références, de clins d’œil, d’allusions plus ou moins évidentes à décoder. Mais, comprenez-vous, il s’agit de ne pas semer le béotien moyen en route et de ne pas le renvoyer à sa propre inculture. Construit à l’envers autour d’une improbable quête du père à laquelle on ne croit pas une seconde, le film, suite incohérente d’épisodes et de péripéties gratuits, relève au final de l’anecdotique.

Reste la bande-son, évidemment, qui donne l’occasion d’entendre ou plutôt réentendre des standards comme « Friday on my mind », « My Generation », « The Letter » ou encore « Sunny Afternoon ». En même temps, ne pas parvenir à mettre sur pied une bande originale à tomber par terre avec les morceaux de l’époque relèverait de l’exploit. Reste aussi la qualité de la performance des acteurs, tous malheureusement castés dans des rôles trop larger than life pour être crédibles et desservis par une mise en scène qui en fait des caisses, ralentis et gros plans foireux à l’appui. Le personnage campé par Brannagh, représentant de l’ennemi gouvernemental à combattre, atteint des sommets dans la caricature bon marché. Si vous aimez Rhys Ifans, matez plutôt l’excellent Human Nature de Michel Gondry. Si, comme il se conçoit aisément, vous avez un faible pour Seymour-Hoffman, dégustez confortablement Happiness de Todd Solondz, La guerre selon Charlie Wilson de Mike Nichols ou Presque célèbre de Cameron Crowe. Si le très britishement classe Bill Nighy vous tape dans la rétine, tournez-vous vers Petits meurtres à l’anglaise, remake plutôt bien troussé d’un film de Pierre Salvadori. Et surtout, si pour vous le rock appartient au domaine des choses importantes, voire sacrées, qui ne se traitent pas à la légère, ignorez superbement Good Morning England.

 

Bande-annonce : 

 

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17 Commentaires
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alextwist
Invité
10 avril 2012 5 h 43 min

rien à ajouter!

tu as tout dit, ce film est un navet surestimé

c’est à peine regardable d’un point de vue divertissant (l’humour gras et pataud, l’absence de la moindre trace de profondeur dans les personnages rendant l’identification ou l’envie d’en savoir
plus proches du zéro absolu)

en somme ce n’est même pas une demi-molle, mais bel et bien une grosse larve qui mise à 100% sur le coté cool de l’époque et sur des performances d’acteurs obligés d’en faire des caisses pour
compenser un scénario qui tient sur une feuille de PQ

Olivier
Invité
Olivier
10 avril 2012 6 h 09 min

Je suis d’accord c’est un navet, ils se sont dit : “Surfons sur la vague 60’s qui a l’air de plaire aux jeunes, on leur pond un machin rempli de clichés sans scénario, et ils vont tous aller le
voir et cliquer sur “j’aime” sur facebook parceque c’est la classe d’aimer les 60’s même si on n’y connait rien”

Zootime
Invité
10 avril 2012 6 h 33 min

Ouai c’est nul mais un dimanche pluvieux d’hiver avachi en caleçon, ça se regarde. C’est toujours agaçant quand tant de clichés sont si ouvertements empilés, mais c’est loin d’être le premier du
genre (je pense à l’également très mauvais Still Crazy, dans un genre tellement comparable que c’est à se demander si ce ne sont pas les mêmes acteurs -Bill Nighy d’ailleurs- / réal /
scénaristes).
Les films sur le rock c’est souvent à chier ! 

Béro du Fuzz
Invité
Béro du Fuzz
10 avril 2012 7 h 04 min

Irregardable.

laetitia
Invité
laetitia
11 avril 2012 3 h 54 min

Je n’ai pas réussi à tenir plus de quinze minutes devant ce film.

Frank
Invité
11 avril 2012 5 h 26 min

bon ben je voulais le voir mais vu vos commentaires je crois que je m’en passerai 🙂

 

MC5 m'a tuer
Invité
MC5 m'a tuer
11 avril 2012 7 h 53 min

Une daube. Et pourtant j’étais pas difficile à l’époque où je l’ai vu. J’ai juste trouvé ça complètement con.

 

C’était juste pour contrebalancer un peu la tendance des critiques précédentes.

beat4less
Invité
beat4less
11 avril 2012 8 h 17 min

Ahah, incroyable le rejet que ce film suscite. Anecdotique c’est certain mais j’ai trouvé ça sympa.

John the Revelator
Invité
John the Revelator
11 avril 2012 3 h 32 min

Comme beat4less l’a dit, c’est loin d’être un (grand) film (voire même un “vrai” film?) mais j’ai réussi à le voir au ciné sans saigner du nez…

teenagegraveman
Invité
teenagegraveman
12 avril 2012 6 h 47 min

même avis que beat, ça m’a fait chier la récup de la coolitude 60s et de surfer sur cette mode, surtout que quand les easybeats déboulent à donf dans les haut parleurs y’a toujours un blaireau
pour te dire “ah ouais lé cool ce morceau des beatles, trop rock”, et que quand tu dis que globalement tout ça te fait un peu chier, cette récup, personne pour comprendre évidemment,

mais bon ça passe quoi, je l’ai vu au ciné et passé un plutôt bon moment…

MC5 m'a tuer
Invité
MC5 m'a tuer
12 avril 2012 0 h 17 min

Perso c’est pas du tout la récup de la collitude sixties, comme tu dis, qui m’a emmerdé, c’est juste que je suis arrivé au milieu du film et que je suis tombé sur une scène complètement
pourrie dans laquelle le registre était… bigardesque, un peu (grosse blague de cul pas drôle qui tâche). Tout de suite après j’ai vu ce DJ qui avait l’air aussi con que la scène qu’il tournait,
alors j’ai préféré arrêter.

John the Revelator
Invité
John the Revelator
12 avril 2012 3 h 47 min

C’est vrai que la blague était aussi nulle que mal placée dans le film… Bon les enfants, je propose qu’on règle ça au couteau ou lors d’un duel au pistolet, ça vous va? 😛

alex
Invité
alex
13 avril 2012 5 h 24 min

merci pour l’article ! très plaisant à lire d’autant que son rédacteur a réussi à mettre les mots justes sur ce que j’avais finalement ressenti à l’époque en le regardant (et en l’oubliant
effectivement presque aussi vite)

maintenant … soyez pas non plus surpris les gars (euh, et les filles!!!) car dès l’affiche on sait ce normalement ce qu’on va voir et qu’en matière de subversion, on risque certainement pas
d’en prendre plein la tronche :

“par le créateur de Notting Hill & Love actually” …

tout est dit 😉

charles
Invité
charles
18 mai 2012 3 h 14 min

C’est à cause de gens prétentieux comme vous que les films d’Audiard par exemple sont méprisés par une partie du public qui trouve ces films trop “bobos”

MC5 m'a tuer
Invité
MC5 m'a tuer
19 mai 2012 9 h 15 min

Désolé mon vieux, on ne va pas jouer les mecs indulgents pour faire plaisir à Audiard.

Timcook
Invité
Timcook
24 juillet 2012 3 h 23 min

Je ne crois pas que les réactions excessives décrites plus haut soient justifiées. Le film ne contient aucune idée originale et manque cruellement de finesse mais reste plaisant sur le court
terme grâce à son imagerie pop. Je comprends qu’il soit perçu comme une insulte par tous ceux qui connaissent bien les 60’s mais il ne faut pas oublier qu’il vise avant tout un public jeune,
novice sur le plan culturel. Si une poignée de ceux qui ont vu et apprécié Good Morning England ont ensuite eu la bonne idée de s’intéresser de près à cette vénérable décennie, sans
s’arrêter aux clichés pop et aux dialogues vaseux entre DJs, alors je salue le succès publique du film, aussi médiocre soit-il.

Anne-Constance
Invité
Anne-Constance
7 avril 2016 18 h 05 min

je ne suis pas du tout d’accord, certes c’est grossier , mais cela nous explique bien le “combat” que la société a du mener pour avoir le droit d’écouter ce que l’on veut et de choisir sa manière de vivre. De même je pense que le but de ce film était de faire passer un message qui est que la société n’a pas a déterminer ce qui est mauvais sur base de la simple morale .
Même si il est peut-être mal joué , c’est un très bon film qui incite à une réflexion personnelle . ☺

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