SIR DOUGLAS QUINTET – Mendocino

Right on Augie !

(Mercury 1969)

Lorsqu’en 1964, les groupes de rock anglais ont pris d’assaut les classements des ventes de disques aux USA, les journalistes ont parlé de British Invasion. Le terme paraît approprié : Beatles, Rolling Stones, Gerry & The Pacemakers, Kinks, Herman Hermits, Animals et consors ont au plus fort de la déferlante trusté la plupart des 30 premières places des charts (les Beatles reussissant même la performance inouïe d’avoir 5 morceaux en tête). Si ce mouvement musical eut pour conséquence immédiate de pousser des milliers de jeunes américains à jouer d’un instrument et à former un groupe, les businessmen comprirent rapidement qu’un marché juteux se présentait à eux. De nombreux groupes furent signés par des maisons de disques qui s’empressèrent de manipuler ces jeunes gens crédules.

C’est ainsi que le jeune groupe texan mené par le chanteur Doug Sahm et son acolyte Augie Meyers aux claviers se fit attribuer le nom résolument anglophile de Sir Douglas Quintet par le producteur Huey Meaux. Dès 1965, le groupe – plus versé dans la musique cajun et la country que l’essentiel des groupes garage de la même époque compilés sur les compilations Nuggets – enregistra ses premiers singles, dont le fameux “She’s About A Mover” qui entra dans le top 20. Meaux, désireux de capitaliser sur le succès du groupe, sortit rapidement un album intitulé opportunément (et assez étrangement à vrai dire) The Best Of The Sir Douglas Quintet et poussa le groupe sur les routes.

En 1966, au retour d’une tournée européenne, Doug Sahm se fit arrêter en possession de marijuana, ce qui l’incita, comme nombre de jeunes gens à l’époque à s’installer à San Francisco. Sur place il monta un nouveau groupe qui enregistra en 1968 l’album Sir Douglas Quintet + 2 = Honkey Blues, avec une armée de session men et de nombreux cuivres pour un résultat plutôt décevant, assez éloigné des racines tex-mex du groupe. Devant l’échec de cet album, Sahm entreprit alors de rapatrier à San Francisco le line-up originel du Sir Douglas Quintet et d’enregistrer – voire de réenregistrer – des nouveaux morceaux pour publier le véritable premier album du groupe.

Mendocino, sorti en 1969, prouve avant tout que Sir Douglas Quintet était fait pour jouer des ballades qui se démarquent des horreurs du genre par leur sobriété et leur classe. Le clavier d’Augie Meyers et la voix chaleureuse de Doug Sahm sont les deux armes principales de Sir Douglas Quintet que le groupe utilise à merveille (“At The Crossroads”, “And It Didn’t Even Bring Me Down”). Dans cet exercice, le morceau-titre fait mouche, grâce notamment à cet omniprésent clavier qui répond au refrain (fait amusant : à chaque solo de Meyers, le chanteur Doug Sahm envoie un “Right on Augie ! “).

Sur Mendocino, Sir Douglas Quintet s’oriente vers des thèmes bucoliques inspirés de la country la plus sage. On trouve dans l’album de nombreuses incursions country 100% assumées (“I Wanna Be Your Mama Again” et son ambiance de saloon, “Lawd, I’m Just A Country Boy”, “Texas Me” et ses violons). Pas complètement déconnecté du monde extérieur, Sir Douglas Quintet sait aussi jouer une pop psychédélique planante dans la lignée de ce qui se faisait à San Francisco à l’époque (“I Don’t Want”) et du blues-rock électrique à la Creedence (“Oh, Baby, It Just Don’t Matter”), ce qui ne rend l’album que plus riche encore.

Les moments qu’on préfère dans l’album sont néanmoins ceux où Augie Meyers joue de son style primesautier très piano-bar et envoie le meilleur son de clavier du monde avec son Vox Continental. On en aperçoit des bribes sur “If You Really Want Me To I’ll Go” et sur le morceau culte de l’album revisité pour l’occasion, le fabuleux “She’s About A Mover”, un des plus grands morceaux garage-rock des années soixante. Un mix efficace de R’n’B façon Ray Charles (dont Sahm imite les intonations à merveille) et de hillbilly (pour la rythmique cavalière), porté par la bonhommie d’Augie Meyers. Le morceau se termine par un des solos de guitare les plus incompétents qui soient. On adore.

Mendocino est un album méconnu car il n’appartient vraiment à aucun des grands mouvements musicaux de l’époque. Ni assez teigneux pour les amateurs de garage, ni assez psychédélique pour les hippies, c’est un mélange de rock, country et de musique cajun qui ne verse pas dans les solos bluesy démonstratifs typiques de l’époque Woodstock. Simple, délicat, superbement écrit et interprété, cet album démontre que Sir Douglas Quintet était plus qu’un groupe de deuxième division. Son successeur, Together After Five est tout aussi enthousiasmant, et met encore plus le clavier d’Augie Meyers à l’honneur. On le recommande tout aussi chaudement.

 

 

Tracklisting : 

1. Mendocino *
2. I Don’t Want *
3. I Wanna Be Your Mama Again
4. At The Crossroads *
5. If You Really Want Me To I’ll Go
6. And It Didn’t Even Bring Me Down
7. Lawd I’m Just A Country Boy In This Great Big Freaky City
8. She’s About A Mover *
9. Texas Me
10. Oh, Baby, It Just Don’t Matter

 

Vidéos : 

“Mendocino”

 
“She’s About A Mover” (en 1965)
 

 

Vinyle :

Sir Douglas Quintet - Mendocino

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ratel
Invité
ratel
22 mars 2011 5 h 11 min

duh… ça fait des années que Doug Sahm est sur ma liste “à écouter”  :$  – up quelques places, et
au moins je sais par quel bout commencer maintenant, merci msieur !

la plupart d’entre nous doivent connaître l’excellent clavier d’Augie Meyers sinon par son travail avec Doug Sahm, du moins par son jeu derrière Tom Waits & Dylan fin 90’s et 2000’s – et
derrière John Hammond, j’assume, en particulier sur Wicked Grin :P

ps : si quelqu’un a les paroles de “lawd I’m just a country boy”, ça fait quelques années qu’elle est sur ma liste “à apprendre”…

ratel
Invité
ratel
23 mars 2011 3 h 16 min

succulent 8)

t’embête pas pour “lawd”, je suis assez feignant pour chercher une transcription déjà existante, mais quand même pas pour me le faire transcrire par quelqu’un d’autre ! trop gentil, encore,
msieur taulier :D

Frank
Invité
10 août 2012 7 h 51 min

ouaip je me suis acheté cette compil’ chez Sudazed

qui confirme en tous points ce que tu énonces dans ta chronique : un groupe à part et tout bonnement indispensable !

Frank
Invité
13 août 2012 6 h 50 min

Je l’ai vu à Gibert en vinyle mais trop cher du coup j’ai pris la version cd. Mais regarde le tracklisting car il doit y avoir pas mal de morceaux de Mendocino dessus.

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