(Flying Nun 2003)
L’excellent documentaire New Garage Explosion publié début 2011 par Vice sur la renversante scène garage-rock contemporaine n’a pas eu pour seul mérite de mettre en avant des groupes appréciés ici tels que Ty Segall ou Strange Boys, il a aussi réveillé l’intérêt autour d’un groupe néo-zélandais méconnu des années 80, The Clean.
Le reportage était en effet assez étonnant : à la question des influences majeures, nombreux furent les artistes à citer The Clean, au point que cette unanimité en devint presque grotesque. Comment un groupe dont on n’avait à peine entendu parler pouvait il être autant vénéré par ces groupes provenant d’horizons divers ? Et que valaient vraiment ces énigmatiques The Clean ?
Une seule réponse à cela : écouter leurs disques. Ça parait facile à dire comme ça, mais cela se complique lorsqu’on regarde de près la biographie du groupe. Formé autour de deux frères – David et Hamish Kilgour – et d’un bassiste (Robert Scott), The Clean a débuté sa carrière en 1978 mais n’a publié son premier véritable album studio qu’en 1990. Comme tout groupe lo-fi désargenté qui se respecte, sa discographie est du genre bordélique. Même s’ils ont tous été publiés sur le même label (Flying Nun, créé par le disquaire Roger Shepherd pour le groupe, et devenu depuis une institution), singles, EPs et compilations s’enchaînent de façon désordonnée, et seule une anthologie sortie en double CD en 2003 rend honneur à l’œuvre de The Clean avec une certaine cohérence.
L’avantage de ce double-album, c’est qu’il contient l’intégralité du premier single et des deux premiers EPs, qu’il présente dans l’ordre chronologique, et on constate rapidement que dès son premier enregistrement The Clean avait un talent hors du commun. “Tally Ho”, comptine lo-fi au clavier omniprésent navigue entre Television Personalities et Modern Lovers avec une évidence effarante. Honte aux Strokes d’avoir plagié ce morceau sans vergogne en 2005 en le renommant “Hawaii”! L’original de The Clean figure parmi les grandes réussites de cet album.
Le premier CD de cette compilation est d’une variété incroyable, et chaque morceau semble contenir le concept intégral d’un groupe . Tout The Soft Pack se trouve dans “Platypus” et “Billy Two”. Ceux qui ont apprécié “Exit Music” des Hunches retrouveront le même désespoir dans “Sad Eyed Lady”, les amateurs d’Eddy Current Suppression Ring se délecteront de “Point That Thing Somewhere Else” et “Fish”, les fans de “Let”s Wrestle” se retrouveront dans “Slug Song”. Et quel intérêt d’écouter Pavement si on a “Getting Older” sur sa platine ?
Le deuxième disque de cette compilation, même s’il possède de nombreux bons morceaux est moins essentiel à l’écoute. La raison en est simple : si le premier disque regroupe des enregistrements introuvables réalisés durant la première période du groupe (1978-1982), le second rassemble des titres postérieurs à sa réunion en 1990. De fait, quasiment tous les morceaux sont déjà disponibles sur les albums tardifs de The Clean, et sont globalement moins enthousiasmants.
On se réjouit néanmoins d’y trouver l’excellent titre velvetien “Trapped In Amber”, par ailleurs introuvable. Le son du groupe à cette période est plus propre, plus policé, plus marqué 90s (Pavement encore n’est vraiment pas loin), mais les frères Kilgour y démontrent que leur réunion n’avait rien d’un revival sans avenir. Tirés de Vehicle (1990), “Big Cat”, “Drawing To A Hole”, “The Blue”, “Diamond Shine” dévoilent un groupe sûr de sa force, à l’enrobage proche des Modern Lovers. Les morceaux tirés de l’album suivant Linger Longer (1994) et Unknown Country (1996) sont généralement plus calmes et moins passionnants. Quelques pépites s’y nichent néanmoins, tel ce “Franz Kafka At The Zoo” contemplatif ou la cotonneuse “Indigo Blue”, mais l’excitation des débuts est bien loin.
Ce qu’il ressort de cette compilation, c’est que The Clean avaient tout compris dès 1978. Si leurs premiers morceaux sont aujourd’hui les tables de la loi des artistes lo-fi actuels, c’est qu’ils contiennent assez d’idées pour que chacun y puise son inspiration. Une bible inépuisable, un plaisir toujours renouvelé. Les racines du lo-fi – ce genre qui n’en est pas un – sont floues, assez difficiles à identifier tant il est bien souvent compliqué de percevoir si l’auteur d’un album sous-produit l’a fait volontairement ou par manque de moyens. Nombreux sont les albums sixties qui sonnent inachevés et en tirent aujourd’hui un certain charme, souvent involontaire. La seule chose qu’on peut affirmer, c’est qu’entre les cris brouillons des premiers punks et les apôtres actuels du do it yourself, The Clean font figure de chaînon manquant. Leurs enregistrements mériteraient de figurer au panthéon du rock’n’roll aux côtés des grandes créations des Television Personalities, autres génies du DIY trop souvent oubliés.
Tracklisting :
CD 1
- Tally Ho *
- Platypus
- Billy Two *
- Thumbs Off *
- Anything Could Happen
- Sad Eyed Lady *
- Point That Thing Somewhere Else
- Fish *
- Flowers
- Side On
- Slug Song
- Beatnik *
- End Of My Dream
- On Again/ Off Again
- At The Bottom
- Getting Older
- Scrap Music
- Whatever I Do Is Right
- Two Fat Sisters (live)
- Odditty
- Quickstep (live)
- At The Bottom (alt version) *
CD 2
- Drawing To A Whole *
- I Wait Around
- The Blue
- Someone
- Big Soft Punch
- Diamond Shine
- Big Cat
- Outside The Cage
- Safe In The Rain
- Secret Place
- Do Your Thing
- Linger Longer
- Too Much Violence
- Trapped In Amber *
- Psycadelic Ranger
- Late Last Night
- Ludwig
- Wipe Me I’m Lucky
- Franz Kafka at the Zoo *
- Clutch
- Balkans
- Indigo Blue *
- Chumpy
- Twist Top
Vidéos :
“Tally Ho”