(Interscope 2007)
On a récemment eu une grosse frayeur en écoutant un single des Hives avec le producteur Timbaland. Le groupe servait de fond sonore à un rap sans intérêt, se contentant de jouer en boucle le riff d’un classique du rock garage sixties (“Spazz” de The Elastik Band). L’annonce peu de temps après d’un nouvel album avec Pharell Williams comme producteur nous a fait craindre le pire. Qu’est-ce que le mec responsable de l’infâme et clinquant “I’m A Slave For You” de Britney Spears peut apporter au son des Hives ? Va-t-on avoir droit à une révolution sonore de mauvais goût ?
Les premiers morceaux rassurent. “Tick Tick Boom” est du Hives pur jus, garage crade, avec des effets spéciaux comme le groupe s’amuse à en produire depuis Tyrannosaurus Hives. L’accroche de guitare est d’une évidence presque navrante – aucune véritable surprise – mais ce morceau fonctionne car les Hives y font ce qu’ils savent faire de mieux : du rock’n’roll bêtement accrocheur. La suite enchante. “Try It Again” rappelle un peu “Harmonic Generator” des Datsuns et révèle le péché mignon des Hives : ils adorent s’amuser avec les effets stéréo. Ils ressortent cet artifice qu’on avait déjà entendu sur “Two-Timing Touch And Broken Bone” et qui donne mal au crâne quand on écoute l’album au casque.
The Hives ont toujours autant le sens du gimmick qui tue. Leur son, l’air de rien, est ce qui se fait de mieux en termes de garage-rock. Ils ne font pas comme si rien n’avait été inventé depuis 1963 en matière de technique de studio. Les compteurs sont toujours dans le rouge (comme sur l’endiablé “You Got It All… Wrong” et l’excellente “Hey Little World”), mais le son est travaillé à l’extrême – trop parfois même, on y reviendra plus tard.
On sent dans le R’n’B rétro de “Well Alright'” l’influence des Detroit Cobras – que le groupe adore au point de les qualifier de génies (on ne leur donnera pas tort). Ca swingue, la rythmique chaloupée met en valeur le feulement de Howlin’ Pelle Almqvist, The Hives prouvent qu’ils savent se renouveler. On s’attendait à voir leur inspiration se tarir, on est agréablement surpris. On se dit que The Hives sont aujourd’hui une valeur sûre… ce qui est assez drôle quand on se rappelle la première écoute de Your New Favourite Band en 2001, où on avait eu l’impression d’entendre 12 fois le même morceau.
D’une manière générale, le début de l’album est excellent. Un zapping rapide des premiers morceaux a de quoi donner envie à quiconque de sortir du magasin avec The Black & White Album sous le bras. Ce n’est que rentré à la maison qu’on se rend compte de l’escroquerie. La face B commence de façon catastrophique. Le groupe fait quelques incursions dans le domaine art-punk de Franz Ferdinand et des Rakes. Plutôt raté. “Won’t Be Long” restera dans les annales comme une chanson new-wave gâchée par des synthés infâmes et au refrain crétin. The Hives tentent ensuite un funk futuriste maladroit intitulé “T.H.E.H.I.V.E.S.”. Pelle chante avec un falsetto digne de Mick Jagger sur Emotional Rescue. Ces deux morceaux sont laids, mais bordel ils restent dans la tête autant qu’un générique de pub.
En ce qui concerne l’écriture, l’éthique du keep it simple est respectée puis le groupe fait sa cuisine en studio. Un blip-blip par là, un peu d’échos ici, on invite des choristes à la fête, on étale des nappes de synthé… Sur les morceaux les plus rock’n’roll, ça fonctionne (on pense là à “Return The Favour” qui a le malheur de sonner pour nous français comme “Manu Chao” des Wampas, ou à “You Dress Up For Armageddon” où le groupe tourne pub-rock avec un certain succès). Quand l’emballage prend le pas sur la chanson, ça se corse. “Giddy Up” ne dépasse pas le stade du “rigolo” avec ses effets sonores de gameboy – on se demande comment le groupe va défendre ce morceau sur scène. Une paire de morceaux ne sont là que pour la blague, comme “A Strive Through Hive Manor Corridor” qui rappelle, selon les références, le niveau des fantômes de Super Mario Bros ou une face B de Blur et surtout “Puppet On A String” qui évoque la B.O. du génial Funny Man. Dispensable.
The Black& White Album est un album tout à fait honorable quoique sans véritable surprise. Long de 14 morceaux pour 45 minutes, il aurait gagné à être plus court. Amputé des trois morceaux inutiles qu’il contient, on obtient un album plus efficace et concis. The Hives ont encore des bons morceaux et de nombreuses idées en eux mais semblent avoir perdu la machine à faire des tubes. Aucun morceau ici ne frappe comme “Hate To Say I Love You So” ou “Walk Idiot Walk”, beaucoup sentent le réchauffé et le groupe en est parfois réduit à truffer sa musique d’effets spéciaux pas vraiment nécessaires pour détourner l’auditeur d’une certaine vacuité. L’album tient la route mais soulève quelques questions concernant l’avenir du groupe – côté disques évidemment car pour ce qui est de la scène on ne se fait pas de souci. On s’imagine mal dans deux ans attendre le nouveau Hives avec impatience…
Tracklisting :
1 Tick tick boom *
2 Try it again
3 You got it all …wrong *
4 Well all right ! *
5 Hey little world *
6 A stroll through hive manor corridors
7 Won’t be long
8 T.H.E.H.I.V.E.S.
9 Return the favour
10 Giddy up !
11 Square one here I come
12 You dress up for Armageddon *
13 Puppet on a string
14 Bigger hole to fill