(Trouble in Mind ; 2013)
Adorable lectrice, admirable lecteur, internaute arrivé par hasard sur notre excellent site, qui que tu sois, puisque tu accordes à ce texte quelques minutes de ton temps que j’imagine précieux, sache que l’excellent site ci-dessus mentionné a connu lors des derniers mois un passage à vide que l’on déplore dans les milieux autorisés ; sois aussi conscient(e) qu’une grande majorité des articles qui verront peut-être le jour dans les prochaines semaines ont été commencés il y a bien longtemps : prière t’est donc faite de ne pas nous en tenir rigueur. En outre,considérant le prix que tu payes, il convient de remarquer que tout autre comportement te ta part serait outrecuidant. Mais foin de verbiage : au travail !
Ce début d’année 2013 a déjà vu la sortie de plusieurs excellents disques ; parmi ceux-là, le premier album de Jacco Gardner tient une place de choix, ce jeune homme s’étant affirmé comme un artiste pop primordial en l’espace de quelques compositions inspirées portées par une réalisation irréprochable. De nationalité néerlandaise, Jacco Gardner, dont nous avions déjà chroniqué la sortie du 45 tours « Where will you go ? / Summer’s game » l’année dernière, apparaît tout bonnement comme un véritable phénomène.
A moins d’avoir la table d’écoute particulièrement ensablée, il est proprement impossible de ne pas céder aux charmes de l’orchestration, que l’on qualifiera sans originalité de pop baroque, un terme utilisé à tort et à travers depuis sa création, et qui, lorsqu’il est employé dans des critiques contemporaines signifie peu ou prou « avec des arrangements riches laissant une place importante aux violons et parfois au clavecin ». Cet album s’ouvre sur « Clear the air », une merveille de pop-psyché, une petite symphonie pop digne de ce que Brian Wilson a fait de meilleur et qui laisse espérer un immense disque… Le chant fait instantanément penser à Syd Barrett, dans l’interprétation (la façon de descendre brutalement dans la gamme) autant que dans les paroles (« I can’t see you, I would like to »). L’univers qui entoure ce Cabinet of Curiosities est également assez proche de celui de Barrett : fééries, rêveries diverses et perceptions troublées se fondent dans une certaine nostalgie pour aboutir à un équilibre fragile à la grâce poignante.
La qualité des pistes suivantes (« The One-Eyed King », « Puppets Dangling ») confirment la propension de Gardner à enregistrer de belles chansons dans la plus belle tradition de pop à l’instrumentation florissante. Cependant, ces premières chansons nous font craindre un moment avoir affaire à un pastiche, si érudit soit-il, qui serait aussi vain que peuvent l’être la plupart des exercices de style… Au fur et à mesure que l’album avance, deux éléments font heureusement disparaître cette crainte : le premier est la grande qualité mélodique du disque, qui contient d’immenses chansons, et dont chaque nouvelle écoute confirmera la qualité. D’autre part, bien qu’il s’agisse d’une période de la musique qui nous tient particulièrement à cœur, le procès en plagiat qui pourrait être intenté apparaît tout bonnement absurde. Certes, les références plus ou moins érudites aux prédécesseurs (Le Pink Floyd de Syd Barrett, le Nirvana anglais, les merveilleux Zombies, les méconnus The End et beaucoup d’autres…) occuperont les discussions des experts, dont certains mégottent déjà sur le fait qu’un artiste contemporain se soit inspiré d’artistes d’il y a un demi-siècle et que quasiment personne n’écoute. Selon nous, il faut plutôt se réjouir que des artistes contemporains apportent avec talent leur contribution à un style musical dont le moins que l’on puisse en dire est qu’il est peu en vogue.
Au-delà de ces références internationales – quoique principalement britanniques – que nos amis experts se font un plaisir de débusquer, Jacco Gardner a fait appel à un de ses compatriotes, Jan Audier, un ingénieur du son au nom certes peu connu mais qui a eu un rôle important dans la scène néerlandaise des années 1960 (Q 65, The Golden Earrings, The Motions, Les Baroques…). Rappelons au passage à notre aimable lectorat désireux de s’informer sur cette scène remarquable l’existence de l’article consacré au neuvième volume de la compilation Rubble. Pour en revenir une dernière fois à l’album, une ou deux écoutes devraient convaincre tout honnête auditeur du talent de Jacco Gardner, les compositions étant d’une richesse et d’une profondeur remarquables et traduisant une maîtrise étonnante qui permet de fonder de grands espoirs en leur auteur.
Liste des chansons :
1. Clear the air *
2. The One-eyed king *
3. Puppets dangling
4. Where will you go *
5. Watching the Moon
6. Cabinet of curiosities
7. The Riddle
8. Lullaby
9. Help me out
10. Summer’s game *
11. Chameleon *
12. The Ballad of Little Jane *
Vidéos :
“Clear The Air”
“Where Did You Go”
“The Ballad Of Little Jane”
Vinyle :