(Sour Mash 2011)
Gallagher Bros, volume 2. Dix mois après la sortie de l’album de Beady Eye, on reste incapable d’en citer le titre d’un seul morceau ou même d’en siffloter la moindre mélodie. Qu’en est-il de l’album solo du grand frère sorti en cette fin d’année ? Notons déjà qu’avant même avoir entendu le moindre morceau les attitudes des deux frangins dénotaient d’une attitude différente. Après les déclarations de guerre et l’arrogance toujours affichée de son frangin, Noël s’était affirmé dans la position du vieux sage isolé qui regarde d’un air amusé l’agitation loin de lui. Alors que Liam tentait de se convaincre qu’il était toujours jeune avec un album désespérément rock’n’roll, Noel prenait son temps. C’était évident, il était prêt pour son album solo, celui de la maturité et du passage de témoin à une nouvelle génération.
C’était oublier qu’avant toute chose Noël reste un Gallagher. Ceux qui pensaient qu’il ferait un retour en mode singer-songwriter modeste et dépouillé se sont trompés d’histoire : s’il a du recul (et beaucoup d’humour) quand il parle de ses expériences et albums passés, Noël redevient un gamin dès qu’il s’agit de pondre de la musique. Un lad de Manchester, fier comme un coq, braillard et peu enclin au minimalisme. Fidèle à lui-même tout au long de cet album, Noël Gallagher poursuit ainsi son chemin avec cohérence. Son album solo respire ainsi le classicisme et on retrouve avec plaisir ce qui a toujours fait le sel d’Oasis, ce mélange de ballades pop travaillées et d’esprit rock. Alors bien sûr on est chez Gallagher, donc tout ici est hypertrophié jusqu’à l’écœurement, du nom de groupe ridicule aux arrangements opulents. Noël a parfois la main lourde sur la production (violons, chœurs et échos sur les voix dans “Everybody’s On The Run” dès les premières secondes) et quelques refrains de stade sont parfois fatigants (“Dream On”, “I Wanna Live In The Dream”) mais son album est excellent… pour quiconque ayant un seuil de tolérance élevé envers l’œuvre d’Oasis.
Car s’il ne s’adresse pas spécialement aux fans d’Oasis, cet album n’a de fortes chances de résonner que chez ceux qui suivent le groupe mancunien depuis ses débuts. Qui a envie d’écouter Noel Gallagher en 2011 ? La question mérite d’être posée car, comme toute œuvre qui a marqué une génération, la musique d’Oasis reste associée à une décennie passée, à des souvenirs de jeunesse, à une époque révolue. Definitely Maybe est sorti en 1993, et ceux qui ont aimé Oasis avec passion à leurs débuts sont aujourd’hui trentenaires et probablement nostalgiques de leurs vertes
années. On imagine mal l’œuvre de Noel Gallagher intéresser grand monde en dehors de cette tranche d’âge aujourd’hui, un peu comme on a du mal à comprendre les personnes qui achètent les albums solo d’icones flétries du rock (quelqu’un a écouté le dernier étron de Mick Jagger ? quelqu’un a-t-il réussi à écouter jusqu’à la fin un album de Brian Ferry ?). C’est sans doute pour cela qu’on s’imaginait Gallagher prêt à sortir l’album d’ancien, sans doute avec Paul Weller comme modèle. Il y parvient par moments, notamment parce que son sens mélodique est toujours très affuté et que l’album contient de nombreuses ballades pop à l’ancienne (“If I Had A Gun”, variation de “Wonderwall”, “The Death Of You And Me”, “Stop The Clocks”), mais aussi parce qu’il sait toujours trousser une bonne chanson à partir de pas grand-chose (“Dream On”, “Soldier Boys And Jesus Freaks”). Des chansons à la recette connue – on reconnaît son écriture dès les premiers accords joués – mais toujours efficaces. Là où Noel se plante un peu par contre, c’est lorsqu’il persiste dans le registre “couilles sur la table” d’Oasis. L’ouverture “Everybody’s On The Run” est clairement un morceau taillé pour Liam, tout en emphase et en pose arrogante. Ce style ne suit pas vraiment à Noel qui vise moins juste dès qu’il tente de jouer les gros bras. Son filet de voix ne lui permet pas vraiment, et cela trahit un peu certains tics d’écriture : deux ans après la dissolution de son groupe, et quoiqu’il en dise, Noel continue d’écrire des chansons pour son frère.
Son album solo est néanmoins une réussite – pour les fans, parce qu’on a du mal à imaginer ce qu’un môme de 17 ans pourrait trouver d’épiphanique ici – mais il pêche par quelques moments hors-sujet où Noel Gallagher fait de l’Oasis frelaté (“I Wanna Live In The Dream”, “Aka … Broken Arrow”, “Stranded On The Bad Beach”). Notez que lorsqu’il essaie d’expérimenter des choses sans vraiment y croire, le résultat n’est guère plus probant (pour preuve, “Aka … What A Life!” qu’on dirait tout droit sorti d’un album de Robbie Williams). Bref, Noel entame sa seconde carrière avec un disque plutôt encourageant, même s’il possède toujours un pied dans le passé. De l’Oasis dilué en quelque sorte. Attention ! Ce qui guette le ténébreux songwriter s’il persiste à sortir des albums de cette trempe, c’est que son œuvre solo sans personnalité affirmée ne fera aucun poids face à son glorieux passé. Oasis a fini sa carrière en étant une caricature de lui-même, Noel a aujourd’hui l’occasion de se réinventer, espérons qu’il ne la gâchera pas…
Tracklisting :
1. Everybody’s on the Run
2. Dream On
3. If I Had a Gun… *
4. The Death of You and Me *
5. (I Wanna Live in a Dream in My) Record Machine
6. AKA… What a Life!
7. Soldier Boys and Jesus Freaks
8. AKA… Broken Arrow
9. (Stranded On) The Wrong Beach
10. Stop the Clocks *
Vidéos :
“The Death Of You And Me”