(TBD Records 2010)
Pendant des années on a répété à l’envi que les 22-20s étaient le grand groupe oublié des années 2000, celui dont le potentiel éclipsait celui de tous les autres, celui dont on attendait le plus et qui avait craqué devant la pression. Une quinzaines de morceaux avant leur séparation prématurée (un album proche de la perfection et quelques faces B) avaient suffi à conférer aux 22-20s un statut à part, au point de faire naître le fantasme d’un groupe idéal.
Aussi improbable qu’inespérée, l’annonce de leur retour fut une des grandes nouvelles du début de l’année 2010. Pour ne pas brusquer les choses, les 22-20s reprirent leur bonne vieille méthode : se roder en concert et sortir un EP live. Signe des temps qui changent, peu de monde fut intéressé pour publier leur musique (là où les plus grosses majors s’étaient âprement disputées pour les signer en 2003), si bien que le groupe l’a mis en ligne gratuitement sur son site internet. Comme on l’a déjà dit en ces pages, cet EP ne nous a guère convaincu, à cause d’un son moins subtil que jadis, sans doute en raison du départ du claviériste Charly Coombes, remplacé tant bien que mal par un guitariste rythmique nommé Dan Hare. Pire, les chansons paraissaient faibles en regard de productions passées du groupe.
Shake/Shiver/Moan nous est donc parvenu avec son lot d’interrogations. Après la déception relative du dernier Coral, on craignait le pire. De nombreux webzines et blogs de qualité ont déjà tranché en faveur du fiasco, du ratage total. On n’ira pas aussi loin. Mieux, on va même apporter une voix discordante : certes Shake/Shiver/Moan n’atteint pas les sommets de son prédécesseur, mais l’album est plus qu’honorable. Sur les morceaux les plus rapides, les 22-20s n’ont rien perdu de leur maestria comme l’indique “Heart On A String”, un bon blues teigneux toute en classe britannique. Les 22-20s ne sont pas un groupe sudsite suintant le whiskey comme les Black Diamond Heavies, ou Left Lane Cruiser, leur héritage vient plutôt du blues-boom sixties et de groupes comme Cream et Yardbirds aux contours pop. Dans cette même veine, “Latest Heartbreak”, l’autre morceau rapide de cet album qui compte beaucoup de ballades, est exemplaire.
C’est cette profusion de morceaux lents qui est sans doute la raison du désamour envers les 22-20s. En six années d’inactivité, les jeunes gens fougueux ont muri et se sont assagis. “Talk To Me”, “Ocean”, “Morning Train” sont des morceaux qui éloignent le groupe des qualificatifs “garage” ou “puriste”. Très inspiré par les Byrds, “Ocean” est sans doute la chanson la plus irritante de l’album pour les amateurs du combo blues de 2004, avec sa mélodie simpliste et sa production carillonnante. Echo désagréable sur la voix, absence totale de basse : le travail du producteur Ian Davenport (déjà aux manettes sur le Band Of Skulls et sur Diamond Hoo Ha de Supergrass) vient gâcher des morceaux au potentiel intéressant comme “Bitter Pills” ou “4th Floor”.
On aurait rêvé mieux, on aurait aimé un successeur de haute volée mais les 22-20s semblent émoussés sur cet album. Pour autant, tout n’est pas à jeter. Le génie du groupe apparaît furtivement dans des bribes de morceaux, même si le groupe peine à enchaîner les temps forts. Nul doute qu’une longue tournée devrait aider le groupe à retrouver son tranchant, cette étincelle qui lui fait défaut aujourd’hui. Si on se fie à la qualité pure des meilleurs morceaux de Shake/Shiver/Moan, les 22-20s ont encore quelques atouts dans leur manche. Un album encourageant, à défaut d’être génial.
Tracklisting :
01 – Heart on a String *
02 – Bitter Pills *
03 – Talk to Me
04 – Ocean
05 – Latest Heartbreak
06 – Shake, Shiver, and Moan
07 – 4th Floor
08 – 96 to 4
09 – Let It Go
10 – Morning Train *
Le site officiel du groupe : http://the22-20s.com/
Le Myspace du groupe : http://www.myspace.com/2220s
Vidéos :
“Latest Heartbreak”