ARCTIC MONKEYS – Humbug

Album de transition

(Domino 2009)

L’histoire est connue : après deux albums au succès planétaire, les Arctic Monkeys sont allés enregistrer chez Josh Homme au cœur du désert californien. Un changement de cap audacieux (on imagine mal les Kings Of Leon faire la même chose) mais assez logique en regard de l’évolution sonique du groupe qui, après un premier album aux fortes sonorités northern anglaises, avait musclé son jeu pour son successeur Favourite Worst Nightmare. Cet album trahissait une admiration des anglais pour les Queens Of The Stone Age, rien de surprenant alors à voir le gourou du rock stoner et les têtes de file du rock anglais travailler ensemble.

Malgré l’affiche alléchante, Humbug n’est pas le chef d’œuvre tant espéré par les fans les plus transis d’Alex Turner mais demeure un album à la fois solide et intriguant. Les Arctic Monkeys y proposent pour la première fois une vraie cohérence dans le son et dans le ton, et délaissent l’énergie brute pour privilégier des atmosphères ensuquées, parfois vaporeuses. Toutes proportions gardées, on pourrait un peu comparer leur évolution à celle opérée par les Beatles avec Rubber Soul : moins de tubes immédiats accolés à des morceaux de remplissage, plus de cohérence globale.

Si le gros défaut de Favourite Worst Nightmare était son côté frénétique assommant, on ne peut en dire autant d’Humbug. L’ouverture “My Propeller”, calme, fait la part belle aux ambiances et au groove. On le sait, Arctic Monkeys ne sont pas des grands mélodistes mais ils savent envoyer des rythmes infectieux, à mi-chemin entre funk, reggae et rock stoner. Le single “Crying Lightning” en est l’illustration, tout comme d’autres excellents morceaux tels que “Dangerous Animals” ou “Pretty Visitors”. Plus frappant encore, la gémellité de ce Humbug avec Rascalize, le décrié premier album des Rascals, est surprenante. On entend du “Freakbeat Phantom” dans “Crying Lightning”, comme on entend du “Out Of Dreams” dans “Dangerous Animals” ou “Potion Approaching”. Le clip de “Crying Lightning” va même jusqu’à reprendre l’imagerie nautique associée aux Rascals (qui en bons fils de dockers liverpuldiens chantent des choses comme “All aboard the adventure…”).

Le plus amusant dans cette histoire, c’est qu’on trouvait en 2008 que Rascalize était trop influencé par les Arctic Monkeys. Que faut-il en déduire ? Il semble que le projet Last Shadow Puppets, cette fameuse collaboration entre Miles Kane des Rascals et Alex Turner ait provoqué ce rapprochement dans leurs écritures et dans le son de leurs groupes. Si on écoute les Arctic Monkeys de Whatever People Say I Am That’s What I’m Not et les EPs des Little Flames (le premier groupe de Kane, qui comprenait déjà les 3 musiciens des Rascals), on trouve deux groupes très différents. En 2009, de nombreux morceaux des Arctic Monkeys évoquent les Rascals qui, de leur côté, viennent d’annoncer leur séparation. Les Arctic Monkeys auraient-ils phagocyté les Rascals ? Alex Turner aurait-il pompé toute la substantifique moelle de
Miles Kane ? Drôle d’affaire.

Quoi qu’il en soit, Humbug fascine parce qu’il montre les Arctic Monkeys navigant a vue, empruntant des chemins inattendus, et fermement décidés à construire des albums comme des œuvres cohérentes. En ce sens, c’est peut-être leur meilleur disque à ce jour. S’il ne contient pas de tube immédiat, la qualité générale d’Humbug est excellente. On s’étonne d’avoir fréquemment envie de passer le disque sur la platine1… pour la basse de “Crying Lightning”, pour le final de “Secret Door”, pour l’énergie de “Pretty Visitors” et pour tous ces petits détails qui font les bons albums. Un disque de transition sans doute, mais annonciateur d’un avenir intéressant.

 

 

Tracklisting :

  1. My Propeller
  2. Crying Lightning *
  3. Dangerous Animals
  4. Secret Door *
  5. Potion Approaching *
  6. Fire and the Thud
  7. Cornerstone *
  8. Dance Little Liar *
  9. Pretty Visitors
  10. The Jeweller’s Hands

 

Vidéos :

“Crying Lightning”


1 Le disque, plutôt court, ne contient que 10 morceaux pour 40 minutes. Les Arctic Monkeys, en bons puristes, formatent leurs albums pour le vinyle.

  1. Dance Little Liar me semble être LA chanson de l’album. Même si elle ne décolle jamais vraiment dans sa première partie, son groove suffit à tenir en haleine jusqu’à l’arrivée des
    “guitares alarmes”. Le final vaut quand même le détour, tout comme celui de Secret Door. Autre bon moment selon moi : The Jeweller’s Hands et sa lancinante envolée psyché. J’ai
    été largement déçu par cet album au début, mais je dois reconnaître que sa force réside dans l’ambiance sonore cohérente qui s’y dégage et que l’on apprécie un peu plus à chaque écoute. C’est mon
    avis.

  2. En tant que grand fan des Monkeys j’attendais cette critique, avec laquelle je suis plutôt d’accord, avec impatience. Cet album est selon moi très bon dans le sens ou il n’y a aucun morceau de
    remplissage, je prends un vrai plaisir à l’écouter du début à la fin. Même si il n’y a pas de tube il y a des moments particulièrement mémorables comme par exemple la fin de “Fire And The Thud”
    avec Alisson Mosshart; je dirais même qu’en règle générale toutes les chansons (ou presque) finissent de façon somptueuses.
    Sinon j’aurais espéré un petit mot sur l’écriture d’Alex Turner qui a également sensiblement changée (un peu dans le même sens que leur son : moins spontanée mais plus sophistiquée voir
    mystique).
    Clairement un très bon album donc qui me laisse espérer encore un bel avenir aux Monkeys.

  3. Bon…je m’attendais à devoir défendre mon point de vue quant à cet album mais je suis plutôt en accord. Un peu déçu lors de mes deux premières écoutes par contre. J’ai d’abord trouvé l’ensemble
    un peu unidimentionel, pour me raviser totalement dans la même journée. Je vais quand même blablater un peu.

    Ce qui ressort de plus en plus avec les Arctic monkeys est leur grande volonté de proposer quelque chose d’autre avec les mêmes vieux ingrédients…et (en ce qui me concerne) ça marche une fois
    de plus. Ici on n’attire pas le public avec du sucre. Les mélodies sont angulaires, les “breaks” rythmiques nombreux et ingénieux, la bande à Turner cherche encore et toujours à échapper aux
    clichés.

    Trop souvent de nos jours “l’exploration” est synonyme d’atonalité de gimmicks électro-prévisibles ou prétention kraut-new wave déja entendue. Et un groupe qui dit explorer en 2009 est souvent un
    groupe qui cherche à cacher un syndrôme de la page blanche. Humbug est un petit disque exploratoire qui utilise le “songwriting” comme matière tout en conservant la pêche des disques précédents.
    Toujours ce Matt Elder titanesque à la batterie, les deux guitares en zigzag qui se partagent le boulot et maintenant cette basse qui domine un peu partout et vient donner cette teinte
    crépusculaire à l’ensemble. L’ajout de quelques traits de clavier ne vient qu’apporter chaleur dans un ensemble qui serait un peu frais sinon. Sûr Turner est maintenant de ces voix british qu’on
    aime réentendre, et ici il chante souvent très bien (l’héritage Last shadow puppet).

    En voici un groupe né de la “hype” qui a prouvé être définitivement plus que cela .
    Avec une moyenne d’âge de 23 ans, ces messieurs nous offrent une belle aventure ou le public n’est pas pris pour un con…et ce n’est peut être que le début.

    Deux désaccords d’avec votre article tout de même :

    Une grande chanson : Certes pas de “i bet you look good on the dancefloor”. Mais ce Cornerstone vaut bien un “mardy bum” ou un “fluorescent adolescent” en ce qui concerne la contagion.
    ….cependant ma favorite est “Secret door” (pas trop radio par contre) .

    Meilleur album du groupe: Le plus confortable je dirais. Mais le premier reste le KO total à mon avis puisque le son du groupe est déja pleinement original (très fort pour un premier disque en
    cette décénie) et toutes les pièces sont royales.

    Mais, il est vrai que ce Humbug, c’est un peu comme découvrir un nouveau groupe 

  4. Oui le retour aux textes est une des forces de départ des Arctic monkeys, mais j’avoue en prendre compte souvent très tard après mes considérations musicales .

    Je n’ai pas trop porté attention à cuex de humbug non plus, sinon quelques phrases ici et là.. Ça semble effectivement opaque et suréaliste mais dieu merci il n’y a pas d’âneries genre ”sing a
    song for me, one from let it be” ou “you can sail with me in my yellow submarine*”… qui peuvent rendre une écoute inconfortable.

    * saurez vous chers collègues blogueurs trouver l’identité des veaux auteurs de ces phrases qui ne sont pas l’oeuvre du fab four ? 

  5. C’est vrai que les paroles sont assez louches, mais quand elles sont compréhensibles (Cornerstone, Fire And The Thud, Dance Little Liar), elles sont toujours très bien écrites.

  6. est-ce qu’il y aura des personnes présentes sur site aux concerts en novembre? j’attends de voir ce que ça va donner sur scène quand même, de quel manière seront joués les anciens morceaux avec
    leur nouveau son?

  7. Salut Eric ! toujours un plaisir de lire tes chroniques même en étant exilé à Tourcoing ! Je suis rassuré en lisant ta chronique : la morosité ne m’a pas encore gagné. J’ai bcp aimé ce disque (ma
    chronique étant assez similaire), pas de tubes mais une véritable unité. Je suis pas nostalgique du côté un peu fourre-tout des deux premiers albums qui foisonnaient de mille et une idées (souvent
    géniales) mais qui pêchaient par manque de consistance.

  8. Je les ai vus il y a deux ans au Zénith et le son était mouif. D’ailleurs, j’ai souvenir qu’une des grattes de Turner était mal réglée, il ne s’est pas géné pour l’envoyer en miettes (ou presque).
    C’est lors de ce concert que j’ai pu découvrir les Corals en première partie, ils venaient défendre leur tout dernier bébé (Roots And Echoes). Leur prestation m’a autrement plus
    impressionné que celle des Monkeys, si bien que le lendemain, j’ai acheté 4 de leurs albums. Sait-on qui sera en première partie le mois prochain ?

  9. J’aimerais bien les voir également. La chance à Montréal est qu’ils ne sont pas assez populaires pour faire les grosses salles.
    Ceci dit j’ai bien aimé le film “live at the Appollo” malgré un manque desesperant d’images de la foule et une prestation que l’on dit ordinaire. Le charisme reste a batir, mais le répertoire est
    blindé.
     

  10. Dance Little Liar me semble être LA chanson de l’album. Même si elle ne décolle jamais vraiment dans sa première partie, son groove suffit à tenir en haleine jusqu’à l’arrivée des
    “guitares alarmes”. Le final vaut quand même le détour, tout comme celui de Secret Door. Autre bon moment selon moi : The Jeweller’s Hands et sa lancinante envolée psyché. J’ai
    été largement déçu par cet album au début, mais je dois reconnaître que sa force réside dans l’ambiance sonore cohérente qui s’y dégage et que l’on apprécie un peu plus à chaque écoute. C’est mon
    avis.

  11. <div class="commentAvatar">
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    Pas de tube mais un album d’ambiance et surtout un album de ballades à tomber (“Secret Door”, “Cornerstone”).

  12. Ben… rien à dire, sinon que, bien que d’accord avec toi, mon engouement pour cet album est plus fort que le tien, et j’en suis le premier surpris.
    J’avais pas trop accroché aux deux premiers, mais là, bizarrement, je sais pas, il y a un côté posé, mais quand même sur de soi qui n’est pas pour me déplaire en fait.

    Une assez bonne surprise.

    (Autre surprise: tu étoiles presque tous les morceaux, et pourtant otn avis semble si réservé… :-/)

  13. Sceptique face au succès éclair de ce groupe, j’ai écouter d’une oreille distraite les 2 premiers albums qui ne m’ont pas transcendé… par contre, ce Humbug m’a beaucoup plu et je l’écoute
    toujours avec grand plaisir… la comparaison avec l’évolution des BEATLES est intéressante, oui, pourquoi pas? 🙂

    Je vais me pencher sur les RASCALS que je ne connais pas du tout!

    SysTooL

    PS : Ma chro également en ligne si ça vous intéresse

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