(Deltasonic 2008)
Rascalize est un des albums les plus surprenants à s’être glissé sur notre platine depuis longtemps. Les premières écoutes de cet album très attendu nous ont franchement déçu. On s’attendait à une douzaine de morceaux furieux, à l’image de ce que proposait le groupe dans les 3 précédents EPs1, l’album est tout autre. Rascalize nous a étonné par son entrée en matière posée, son tempo relâché, et sa faible quantité de morceaux purement rock’n’roll.
On n’avait pas eu l’album qu’on attendait, on s’apprêtait à écrire une chronique désabusée – elle était même quasi-terminée à vrai dire. On l’a depuis déplacée dans la corbeille et entièrement réécrite, car ce Rascalize, une fois confortablement installé sur la platine se refuse obstinément à la quitter.
L’album commence, disons, lentement. “Rascalize” qui se veut une invitation à suivre leur voyage (“And from these tired eyes we’ll rascalize and find our way through/because we know exactly where we want to go to/all aboard the adventure »), donne le ton de l’album : le groupe qu’on décrivait précédemment comme à mi-chemin entre le punk northern des Arctic Monkeys et la pop psychédélique de The Coral penche plus du côté des seconds. Le son des Rascals, nourri d’une certaine école d’écriture, des chansons de marins, et d’une mélancolie propre aux habitants de l’estuaire de la Mersey, trahit son appartenance à la région de Liverpool2. On retrouve dans Rascalize l’ambiance des premiers EPs de The Coral et de l’album Nightfreak And The Sons Of Becker, notamment sur des morceaux comme “The Glorified Collector” ou “Does Your Husband Know You’re On The Run”. La filiation entre les deux groupes, déjà sensible par le passé, en sort renforcée, d’autant que le jeu de guitare de Miles Kane évoque énormément celui de Bill Ryder-Jones.
Véritable power-trio, The Rascals s’appuient avec succès sur les forces de chacun. Alors que la basse de Joe Edwards mène les débats en créant un groove porteur et que le batteur Greg Mighall tient sa place honorablement de sa frappe sèche, le guitariste/chanteur Miles Kane se démultiplie dans un déluge de glissandos et d’effets soniques. Devenu subitement une superstar outre-Manche suite à son association avec Alex Turner dans le side-project The Last Shadow Puppets, Kane marque cet album de son empreinte. The Rascals sont son groupe, autant que les Arctic Monkeys sont celui de Turner.
Son génie, pour Rascalize, est d’avoir écarté le répertoire le plus punk du groupe pour construire son album autour de ses morceaux les plus calmes. Les 3 EPs, véritables déluges soniques de 10 minutes, sont des trésors qu’on aime se repasser de temps à autre. Ils font néanmoins pâle figure en comparaison avec cet album maîtrisé et intelligent, moins immédiat mais meilleur sur la durée. A titre d’exemple, le moment le plus fort de l’album demeure sans aucun doute l’intrigant “Freakbeat Phantom”, un morceau zen basé sur une ligne de basse proéminente et une ambiance dub psychédélique. La force tranquille.
Certes tous les morceaux ne sont pas extraordinaires ici (“I’d Be Lying To You”, “How Do I End This?”), certes des pièces comme “A Hand In The Shadow”, “Suspicious Wit” sont bien meilleures que de nombreux morceaux de Rascalize… mais cet album vaut mieux que la somme de ses parties. Il se dégage de Rascalize une cohérence, un équilibre et un sens de l’accélération qui fait mouche.
L’album nous entraîne sur un faux rythme avant de nous surprendre par des fulgurances, à l’image de “Fear Invicted Into The Perfect Stranger” qui démarre laborieusement avant de s’énerver au bout d’une minute trente (“Yeah!” se dit-on, debout sur la table le poing dressé) ou ce “Stocking To Suits” extraordinaire qui vient dynamiter la face B de l’album. Ces changements de tempo, présents au sein mêmes des morceaux, trouvent un echo dans la structure de l’album qui fait se succéder morceaux calmes et rapides avec fluidité, sans heurts. On est comme hypnotisé par cette succession de temps forts et faibles habilement menés.
Au final, les principaux reproches qu’on adressera à cet album concerneront essentiellement son côté dérivatif. Miles Kane porte ses influences de façon trop ostensible pour être honnête et certains morceaux ont parfois un air de déjà entendu. “Out Of Dreams”, qu’on aime beaucoup, n’est qu’un mix subtil de “Fake Tales Of San Francisco” des Arctic Monkeys et “Dirt” des Stooges. Par ailleurs, s’ils se démarquent nettement des Arctic Monkeys avec cet album, The Rascals vont avoir du mal après cet album à décoller cette étiquette de “Coral du pauvre” qu’ils portent depuis leurs débuts en Angleterre. The Zutons avaient réussi à s’émanciper de leurs aînés en réinventant leur son en y ajoutant un groove funky et des solos de saxo peu académiques3. D’autres groupes locaux comme The Bandits n’y ont pas survécu.
Il faudra que Miles Kane et ses sbires se forgent leur propre identité pour pouvoir prétendre à la véritable grandeur. Leur talent est immense, à eux de l’exploiter au mieux car si Rascalize est un excellent album, The Rascals ne pourront pas nous refaire le coup une deuxième fois.
Tracklisting :
1. Rascalize
2. Out Of Dreams *
3. Bond Girl
4. The Glorified Collector
5. Fear Invicted Into The Perfect Stranger *
6. Does Your Husband Know You Are On The Run
7. I’d Be Lying To You
8. Freakbeat Phantom *
9. People Watching
10. Stockings To Suit *
11. How Do I End This ?
12. I’ll Give You Sympathy
Le Myspace du groupe : www.myspace.com/rascalmusic
Vidéo :
“Freakbeat Phantom” :
Vinyle :
<
p style=”text-align: justify;”>1 Out Of Dreams, Suspicious Wit et Freakbeat Phantom, sortis en vinyle 25cm, et contenant chacun 4 morceaux.
2 La péninsule de The Wirral plus précisément, comme The Coral encore une fois.
3 En témoignent les premier single du groupe “Creepin’ And Crawlin'” et “Devil’s Deal” que le groupe a écarté de son répertoire pour revenir deux ans plus tard avec des morceaux zombie-funk comme “Presssure Point” et “You Will You Won’t”.